Les deux niveaux de gouvernement pavent la relance de bonnes intentions

Que ce soit à Ottawa de la bouche de la gouverneure générale ou du premier ministre du Canada, ou encore à Québec de celle de la ministre responsable de l’Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor, les deux niveaux de gouvernement ont réussi hier, malgré l’omniprésente pandémie, à parler de relance économique. Et il s’en dégage de bonnes intentions pour notre secteur d’activités.

D’abord, les allocutions officielles de nos dignitaires à Ottawa étaient bâties autour de quatre piliers. Gens de construction, on aime déjà l’image.

La première et principale des fondations attendues, la lutte à la pandémie, se résume par la phrase la plus percutante de Julie Payette : « Protéger les Canadiens de la COVID-19 ».

À ce sujet, le robinet semble ouvert sans contrôle aux yeux de certains observateurs assistant à un endettement sans précédent de l’État central. L’AQMAT a pour sa part apprécié la justification des dépenses donnée par M. Trudeau : « En faire moins coûterait plus cher ».

Dans la foulée, le soutien économique aussi longtemps que durera la crise sanitaire a fait l’objet de promesses de programmes d’aide aux individus et aux entreprises, mais amendés pour tenir compte d’une situation différente aujourd’hui qu’en début de pandémie. L’AQMAT ne peut que donner son accord enthousiaste à la décision du gouvernement de tout faire pour maintenir les emplois.

D’ailleurs, la direction de l’AQMAT joint sa voix à celles des organisations tant patronales que syndicales qui accueillent favorablement la poursuite de la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) au-delà de la date du 19 décembre. Cependant, s’engager à maintenir ce programme jusqu’à l’été 2021 nous semble une promesse qui ne tient pas suffisamment compte que les variables contamination et confinement sont volatiles, rendant toute prévision à long terme hasardeuse.

Logiquement le besoin de reconstruire le Canada a suivi avec l’expression de principes empruntés à la force et à la résilience. Le préjugé favorable pour une croissance dite propre a été soulevé plus d’une fois.

« L’image de créer un million d’emplois avec une relance qualifiée de verte semble fournir, si on comprend bien l’image, une réponse à la crise de main-d’œuvre que nous vivons tout en faisant écho à cette tendance en faveur de la lutte au gaspillage et au réchauffement planétaire », extrapole Richard Darveau, président et chef de la direction de l’AQMAT.

Plus encore, Julie Payette a ouvert une boîte de Pandore pour notre industrie en évoquant de l’aide à la rénovation écoénergétique. « Dans le cadre de son plan, le gouvernement créera des milliers d’emplois pour rénover les maisons et les bâtiments, réduisant ainsi les coûts énergétiques des familles et des entreprises canadiennes », a-t-elle affirmé. L’AQMAT demandera bien sûr des précisions.

Achat local et « Bien fait ici »

« D’autres observateurs, mieux que nous, peuvent juger si le gouvernement central veut protéger la santé des citoyens au risque d’empiéter sur les platebandes provinciales ou si les programmes et subventions sont généreux au point d’acculer les finances publiques à la faillite technique advenant une flambée des taux d’intérêt », indique M. Darveau.

Soulignons tout de même que quelques mois de COVID-19 ont fait reculer le PIB national de plus de 18 %, soit trois à cinq fois plus que l’impact des récessions de 1981, 1990-91 et 2008-2009.

« Il n’y a, à nos yeux, aucun autre symbole plus fort pour l’unité nationale que celui de la solidarité envers les manufacturiers et les détaillants d’ici. » – Richard Darveau, président et chef de la direction de l’AQMAT

Le porte-parole de l’AQMAT enchaîne : « J’aurais en revanche apprécié que Mme Payette et M. Trudeau se positionnent fermement en faveur de l’achat local et donc, de l’encouragement à la production locale. Il n’y a, à nos yeux, aucun autre symbole plus fort pour l’unité nationale que celui de la solidarité envers les manufacturiers et les détaillants d’ici. »

L’AQMAT entend donc demander au gouvernement du Canada :

  • qu’il soutienne la production de biens de qualité au pays;
  • qu’il encourage la recherche et le développement en entreprise pour réduire notre dépendance face à l’étranger;
  • qu’il favorise le maillage et la sous-traitance entre entreprises établies au Canada;
  • qu’il soit lui-même exemplaire en priorisant ses approvisionnements auprès de fournisseurs d’ici.

Richard Darveau : « Il faudra accompagner les citoyens, les travailleurs et les entreprises, les prendre par la main, pour qu’ils appréhendent, apprécient, apprivoisent, puis s’accaparent les vertus de l’achat local de biens durables. Aussi surprenant que cela puisse sembler, la technologie numérique peut raffermir les liens entre les tenants et les aboutissants. Et nous allons le démontrer en déposant sous peu un projet de marketplace pour servir de rampe de lancement du programme « Bien fait ici ».

Célie Cournoyer, directrice des opérations de l’organisme « Bien fait ici » appuie. Selon elle, « la fermeture des frontières et le cocooning ont propulsé les achats pour les maisons dans des proportions historiques. Les conditions sont réunies pour pousser sur l’achat de produits fabriqués dans chaque province et faire en sorte que tout en demeurant inscrits dans la mondialisation, une part plus importante de notre consommation soit d’origine domestique. »

Cap sur la main-d’œuvre

Si le gouvernement central semble vouloir placer au centre des priorités la crise de la main-d’œuvre subie par la plupart des entreprises de notre secteur d’activités, quincailleries comme usines, la direction de l’AQMAT croit que pour pallier le manque d’employés, la première priorité serait d’ouvrir les vannes de l’immigration. « Pas tous azimuts ni n’importe comment », prévient M. Darveau, qui lance l’idée d’une grille croisant les besoins réels des entreprises avec des critères confortant nos besoins de sécurité et de préservation de nos langues, un modèle à imaginer avec pragmatisme. « Au préalable, une campagne visant à rassurer la population inquiétée ces dernières années par une association facile entre terrorisme et nouveaux arrivants serait sans doute nécessaire », selon ce dernier.

La directrice du Collège AQMAT renchérit : « On ne pourra relancer l’économie de manière pérenne qu’en proposant des mesures qui prennent en compte le besoin de requalifier les travailleurs existants, leur besoin de mobilité, la sauvegarde de l’expertise dans les entreprises et leur relève », soutient Crystelle Cormier.

Mentionnons que le Conseil du patronat prône également que la formation des travailleurs représente un passage obligé pour prendre le virage numérique.

Réaction au projet de loi québécoise no 66

L’AQMAT ne cachera pas sa satisfaction face à la remouture de l’ancien projet de loi 61 qui a été proposée hier par la ministre Sonia Lebel afin d’accélérer les projets d’infrastructure.

La nouvelle approche ne vient plus couper les coins ronds sur le plan de la responsabilité sociale et environnementale que doit assurer tout gouvernement tout en luttant contre une bureaucratie depuis longtemps décriée.

L’AQMAT appuie la position du Conseil du patronat. Celui-ci rappelle que dans le contexte d’une relance économique plus que nécessaire, les investissements publics seront indispensables pour compenser la baisse des investissements privés et soutenir les entreprises d’ici, notamment dans le secteur de la construction.

La question des délais de paiement est soulignée par plusieurs partenaires, dont l’Association de la construction du Québec (ACQ). Elle ne semble pas réglée alors que les entrepreneurs et leurs sous-traitants subissent une crise de liquidités et une augmentation des coûts des matériaux.

Tout comme les porte-parole des architectes et d’autres professionnels, l’AQMAT demeure convaincue que tout contrat public doit considérer le coût global d’un projet et non seulement son prix d’acquisition. « Si l’on veut vraiment soutenir nos créateurs, nos usines, il faut situer le prix proposé par leurs matériaux dans un contexte d’utilisation dans la durée, donc attribuer des points à leur durabilité, leur impact écologique, même leur valeur esthétique.

« Il ne faut pas tomber dans le piège des économies à court terme qui s’avéreraient très coûteuses à long terme », a fort bien dit Karl Blackburn, président du CPQ.

La direction de l’AQMAT tient à souligner la prise de position de l’organisme Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) qui est d’avis que le gouvernement du Québec se doit d’aller plus loin dans le projet de loi 66 en se dotant d’une véritable politique publique visant à valoriser l’achat local au sein même des stratégies d’acquisition, des appels d’offres et de l’attribution de contrats publics, notamment en révisant la règle du plus bas soumissionnaire en y incluant des critères liés au développement durable, aux normes environnementales ou encore à la réglementation en matière de santé et sécurité au travail.

x

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *