La place du français : même combat pour les entreprises comme pour la population

Bien que la pandémie, avec raison, occupe presque toutes les pages des journaux et l’énergie de nos politiciens, heureusement, des organismes voient à faire avancer d’autres causes. Notamment celle du français. Voici que le Conseil du patronat du Québec (CPQ) dévoile des résultats à la fois étonnants et rassurants sur ce que pensent les dirigeants d’entreprise de l’état du français comme langue de travail au Québec.

Alors que les gouvernements du Québec et du Canada s’apprêtent respectivement à réviser leurs lois linguistiques, le CPQ a en effet saisi l’occasion pour sonder les entreprises sur la place du français au travail.

Les résultats soulignent que l’opinion des employeurs représentés par le CPQ à l’égard de l’importance de préserver l’utilisation du français au Québec ne diffère pas vraiment de celle exprimée par la population.

Le premier des résultats du sondage qui interpelle l’attention de l’AQMAT est le suivant: 68 % des employeurs sondés sont favorables à ce que les entreprises de 25 employés et plus (plutôt que 50 employés et plus actuellement) soient assujetties à la Charte de la langue française (CLF)

Commentaire de Richard Darveau, membre du conseil du CPQ, mais parlant ici au nom de l’AQMAT: « Je me souviens que des sondages conduits il y a une décennie ou plus montraient une certaine fermeture des dirigeants de PME sur les questions touchant la CLF. Les gens d’affaires semblent aujourd’hui plus concernés par la pratique du français, du moins à l’intérieur des entreprises du Grand Montréal et dans l’espace public ».

En effet, à travers leurs réponses, les entreprises sondées par le CPQ démontrent qu’elles sont prêtes à poursuivre leurs efforts si le gouvernement les accompagne et assure la flexibilité nécessaire.

Dans la même veine, si les employeurs appuient aux deux tiers une restriction de l’exigence d’une langue autre que le français lors de l’embauche pour les communications internes, ils sont majoritairement d’avis qu’ils devraient avoir le droit d’exiger une langue autre que le français dans leurs communications externes, notamment parce que l’économie du Québec est ouverte sur le reste du Canada et sur le monde.

Au nom de l’AQMAT, M. Darveau se réjouit également de ce résultat où on distingue l’usage du français à l’interne ou dans les relations d’affaires: « Trop de nos membres ont le réflexe d’exiger le bilinguisme à leurs employés alors que la majorité d’entre eux ne seront pas en contact avec les clients ou les fournisseurs externes. Partant, si on convient que la langue de travail au Québec est le français, il est superflu d’exiger la maîtrise de l’anglais pour tout type d’emploi. »

On se rappellera qu’en août 2020, une enquête réalisée par l’Institut de la statistique du Québec avait révélé que 40 % des entreprises, lors de leurs dernières embauches, avaient exigé ou souhaité que leurs employés aient des compétences en anglais. Sur l’île de Montréal, ce taux atteignait même 63 % pour l’ensemble des employeurs. D’où la question: est-ce raisonnable d’exiger le bilinguisme pour tous les employés et de toutes les régions?

Le CPQ a posé la question de savoir si la CLF devrait interdire l’exigence de la connaissance d’une langue autre que le français dans le cas de l’embauche d’une personne. Les réponses se déclinent de la façon suivante :

Le rapport du CPQ souligne que la place de la langue anglaise dans le monde continue de progresser. Elle n’est pas seulement devenue la porte d’entrée incontournable à l’international, mais aussi l’outil indispensable dans l’environnement technologique. Nous ne pouvons nier le fait que la connaissance de l’anglais est considérée comme un atout dans une économie aussi fortement ouverte, exportatrice et numérisée que la nôtre, et ne diminuera pas de sitôt. « Ne pas accepter cet état de fait risquerait de nuire à notre positionnement enviable sur l’échiquier international », peut-on lire.

Le CPQ prend heureusement soin de préciser que cette réalité ne doive pas se faire au détriment de l’utilisation du français dans les entreprises, bien au contraire. Près de la moitié de la population québécoise déclare parler les deux langues officielles, ce qui est unique au Canada, mais également dans la francophonie mondiale. C’est un atout qui nous permet de nous démarquer à l’échelle planétaire.

Le bilinguisme français-anglais n’a cessé de croître au cours des dernières années au sein de la population québécoise : la proportion de la population se déclarant bilingue est passée de 28 % en 1971 à 45 % en 2016. Cette proportion atteint même 61 % sur l’île de Montréal. « Si certains y voient une menace, nous, nous y voyons un atout », soutient le CPQ.

L’AQMAT appuie avec enthousiasme la proposition du CPQ à l’effet que le gouvernement fédéral saisisse l’occasion pour mettre en place des mesures qui renforceront l’espace culturel et d’affaires francophones au pays.

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« Le français comme langue de travail est un avantage culturel et économique qui nous distingue. Les entreprises l’ont bien compris et mettent déjà beaucoup d’efforts en ce sens, le sondage du CPQ nous montre qu’elles sont prêtes à en faire davantage avec l’appui des gouvernements », déclare Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ.

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On peut consulter le rapport du CPQ sur le français au travail en cliquant ici.

Miser sur la qualité

L’importance de la qualité du français est un enjeu posant des problèmes aux entreprises au niveau du recrutement de la main-d’œuvre et qui mérite une attention particulière de la part du gouvernement.

Rappelons qu’il y a au Québec une forte proportion de citoyens qui ne maîtrise pas la langue: les analphabètes (19 %) et les analphabètes fonctionnels (34 %) représentent plus de la moitié (53 %) des Québécois.

Une telle situation a des incidences importantes dans le recrutement de la main-d’œuvre, puisque 35 % des employeurs ont rejeté des candidatures pour un manque de compétences en français, pourtant en pleine pénurie de main-d’œuvre.

En cette semaine de la persévérance scolaire, la qualité du français doit être une préoccupation de tous dès le plus jeune âge. À cet effet, une statistique du ministère de l’Éducation soulignait que 70 % de décrocheurs francophones en cinquième secondaire ont échoué à atteindre les exigences en français.

Enfin, le CPQ demande au gouvernement de prendre garde de ne pas recourir à des mesures qui auraient pour effet de restreindre l’accès au marché du travail pour les Québécois ne maîtrisant pas le français. Nous ne pouvons nous permettre de courir le risque de priver beaucoup d’employeurs de la main-d’œuvre compétente dont ils ont besoin.

Rappelons à ce sujet qu’il y a près de 720 000 personnes au Québec dont la langue maternelle est l’anglais, dont plusieurs Autochtones et immigrants (recensement de 2016).

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