Faible probabilité de flambée à court terme du prix du bois d’œuvre à cause des incendies

En général, au Québec, depuis dix ans, on perd 10 000 hectares de récolte de bois par année à cause des feux de forêt. Cette année, plus d’un 1,3 million d’hectares a déjà brûlé. C’est dire l’ampleur de la crise et les conséquences à venir sur toute la chaîne, jusqu’au consommateur, en passant par nos scieries et entreprises de transformation membres et le réseau de centres de rénovation qu’elles alimentent.

Hier, et ce matin Richard Darveau, porte-parole de l’AQMAT, a été interviewé par LCN, TVA et Radio-Canada sur le sujet. Les questions des journalistes se ressemblent, des variations sur le thème suivant : les feux de forêt vont-ils faire flamber le prix du bois d’œuvre? (Excusez le jeu de mots facile). Sa réponse se décline comme suit.

Cliquez ici et naviguez vers la bas de l’article pour écouter l’entrevue de M. Darveau avec Julie Marcoux de TVA Nouvelles.

Il prend d’abord la peine de rappeler que le prix de la plupart des matériaux est plus bas en juin 2023 qu’il l’était en juin 2022, comme le démontre le tableau ci-dessous, concocté à partir du prix affiché sur les sites Web de bannières différentes : le bois d’œuvre et les panneaux sont moins chers alors que le gypse et surtout la laine isolante ont grimpé de prix. En toute transparence, il mentionne tout de même que les prix se sont mis à augmenter un peu depuis mars, sans cependant représenter un problème.

MATÉRIAU PRIX MOYEN 17 JUIN 2022 PRIX MOYEN MARS 2023 PRIX MOYEN AVRIL 2023 PRIX MOYEN MAI 2023 PRIX MOYEN 27 JUIN 2023 VARIATION  DEPUIS UN AN (%)
2x4x8 5,52 $ 3,22 $ 3,49 $ 3,50 $ 3,94 $ -29%
2x6x8 8,49 $ 5,59 $ 5,41 $ 5,38 $ 6,26 $ -26%
2x8x8 10,78 $ 9,72 $ 8,53 $ 8,53 $ 8,98 $ -17%
2x10x8 17,96 $ 12,18 $ 11,48 $ 11,69 $ 11,72 $ -35%
CONTREPLAQUÉ Select 1/2 4X8
49,03 $ 34,15 $ 36,68 $ 36,63 $ 36,83 $ -25%
CONTREPLAQUÉ Select 3/4 4X8 73,56 $ 50,88 $ 54,97 $ 54,87 $ 55,25 $ -25%
GYPSE 1/2 4X8 14,12 $ 15,23 $ 15,03 $ 15,03 $ 15,32 $ 8%
LAINE ISOLANTE R20 6X15 80 pi ca 50,88 $ 55,67 $ 55,67 $ 55,67 $ 57,71 $ 13%

Depuis mars, on voit que les 2×4 et 2×6 se sont mis à augmenter, mais les morceaux les plus longs, les 2×8 et 2×10, eux, ont un peu baissé de prix. Les feuilles de contreplaqué avaient augmenté au début du printemps, mais semblent s’être stabilisées. Le prix du gypse aussi est stable depuis un moment. La laine isolante a légèrement augmenté entre mai et juin.

M. Darveau indique par ailleurs que les inventaires sont élevés dans la plupart des cours à bois, les marchands sont à l’affût d’achalandage, si bien que le moment d’acheter pour le consommateur est tout indiqué, d’autant que la récolte de bois plus faible en raison des incendies pourrait provoquer une augmentation des prix, bien que modérée, sans commune mesure avec la situation qui prévalait durant COVID-19 quand tout le monde voulait rénover.

Le président de l’AQMAT a la prudence de ne pas s’aventurer à pronostiquer à plus long terme. Comme le faisait remarquer un marchand ce matin, « Si ça continue à brûler tout l’été et que les travailleurs forestiers ne peuvent faire de coupe, il y aura un impact certain sur le prix du bois ».

Trois autres variables compliquent l’équation :

  • si la demande américaine en bois de construction continue d’être élevée, il y aura plus vite rupture de stock pour certains matériaux;
  • si les trois niveaux de gouvernement se décident enfin à prendre la crise du logement par les cornes et à accélérer la construction de dizaines de milliers de logements, cela aussi réduira plus vite les inventaires, provoquera de la rareté, ce qui donnera beau jeu aux moulins de relever de beaucoup leurs prix de vente;
  • le coût d’une hypothèque a augmenté de 30 % en un an et la Banque du Canada pourrait récidiver à la mi-juillet, ce qui pourrait provoquer encore plus la stagnation du marché dans le neuf.

Enfin, l’AQMAT tient à toujours relativiser les propos des autres intervenants puisque son discours se concentre sur les prix au détail. Les médias se font dire par d’autres organismes que les prix vont monter en flèche dans les semaines à venir. Cela est possible au niveau B2B, mais il faut plusieurs semaines sinon quelques mois avant que l’effet se ressente en cascade jusqu’au marchand puis jusqu’à ses clients.

Il convient également de relativiser toutes les données qui circulent de deux manières. D’une part, le bois ne représente environ que 20 à 25% d’un projet en général. On ne peut donc pas extrapoler l’inflation du coût d’une réno ou d’une construction uniquement à partir du prisme du prix du bois.

D’autre part, les constructions de logements et de condos en étages utilisent proportionnellement beaoucoup moins de bois d’œuvre que des maisons unifamiliales de même taille. Or, des unifamiliales, il ne s’en construit pratiquement pas en ce moment.

« Est-il souhaitable pour un marchand d’acheter du bois en gros volume puisque le prix va augmenter? » À cette question candide, M. Darveau a répondu que le jeu de l’approvisionnement est plus complexe; il sous-tend la question du loyer de l’argent qui a beaucoup augmenté à la suite des hausses successives du taux directeur par la Banque du Canada. Il implique également des questions d’entreposage, car conserver longtemps du bois nécessite non seulement de l’espace, mais des conditions particulières pour en conserver les qualités.

Solidarité oblige

L’AQMAT a souligné à chaque entrevue la nécessité que le gouvernement du Québec mette les bouchées doubles pour que les travailleurs forestiers puissent recommencer le plus vite possible à avoir accès aux forêts, bien sûr, en toute sécurité pour eux et les communautés.

Qui plus est, M. Darveau appuie le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) dans sa demande pour que s’enclenchent des actions d’urgence : « À une situation exceptionnelle, des mesures d’exception ». Chaque scierie est dans une situation qui lui est propre, selon son approvisionnement actuellement la proie ou non des flammes, selon l’état de sa machinerie, etc. « Il ne serait pas approprié de mettre en place un programme d’aide financière mur-à-mur, mais plutôt d’accueillir avec empathie chaque cas d’entreprise problématique, chaque risque de faillite potentielle.

En ce moment, le Québec se situe au niveau 5 de préparation nationale, ce qui indique que l’engagement total des ressources nationales est en cours, même qu’un soutien international est mobilisé, avec des équipes américaines, australiennes, néo-zélandaises, sud-africaines, françaises, espagnoles, portugaises, mexicaines, chiliennes et costariciennes actives sur le terrain ou dans les airs. Pendant ce temps, les États-Unis sont au niveau de préparation 2, beaucoup plus gérable. Il faudra un jour comprendre pourquoi un tel écart.

Les quelque 80 feux dits prioritaires, ici, se concentrent dans les régions d’Abitibi-Témiscamingue, sur la Côte-Nord, dans le Nord-du-Québec et au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Dans le reste du pays, les feux les plus préoccupants sont en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario, en Saskatchewan et dans les Territoire du Nord-Ouest.

 

 

 

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