Deux quincaillers ont exposé franchement leurs enjeux devant les marchands inscrits au Sommet du commerce de détail

À l’invitation du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), l’AQMAT a présenté hier un éventail des enjeux les plus cruciaux auxquels les quincailleries et centres de rénovation font face. L’atelier se déroulait hier dans le cadre de Hop! Le Sommet du commerce de détail au Palais des congrès à Montréal.

Les deux panélistes étaient Christian Bélair et Nicolas Couture.

Vignette photo d’entête : De gauche à droite, lors de l’atelier « Conversations sur les enjeux cruciaux auxquels font face les quincailleries » : Christian Bélair du Centre de rénovation Lortie Martin Castle, Nicolas Couture de Couture TimberMart et Richard Darveau de l’AQMAT.

Le premier dirige le Centre de rénovation Lortie et Martin à Sainte-Agathe-des-Monts, affilié à la coopérative d’achats Castle. Bachelier en enseignement, M. Bélair a été vice-président marketing canaux de distribution de AT&T Canada et directeur national des ventes pour la bannière RONA, avant d’œuvrer du côté des marchands affiliés, devenant même président du comité des marchands à une certaine époque.

Le second occupe la même fonction, mais chez Couture TimberMart, un centre de rénovation qui opère quatre points de vente (deux à Richmond, un à Sherbrooke et un à Danville). Bachelier en administration (marketing), employé dans l’entreprise familiale depuis l’adolescence, M. Couture a été président du conseil d’administration de l’AQMAT pendant quatre ans, engagé dans le comité de la relève de sa bannière.

Agissant comme animateur de l’activité, Richard Darveau, président et chef de la direction de l’AQMAT a mis la table en permettant aux détaillants dans la salle provenant d’autres secteurs économiques de saisir des particularités de celui de la quincaillerie. Son propos d’introduction peut se résumer en quatre points :

  • il y a grosso modo 1000 quincailleries et centres de rénovation en opération au Québec ;
  • ces commerces cumulent un chiffre d’affaires de 5,9 milliards $ et occupent 12,5 millions de pieds carrés ;
  • la facture moyenne a peu de signification puisqu’on peut sortir avec un taraud à 1 $ ou avec un projet de terrasse de 10 000 $;
  • contrairement à la plupart des autres commerces de détail, les nôtres desservent une clientèle comprenant des entreprises, et non seulement des consommateurs.

Les deux panélistes et l’animateur ont présenté trois thèmes perçus par eux comme étant préoccupants.

Thème 1 : en quincaillerie, assistons-nous à trop ou pas assez de consolidation?

Si on se compare au reste du pays, le Québec compte un ratio nettement plus important de petites quincailleries de quartier et de village. Le binôme un marchand/un point de vente se remarque moins qu’avant, plus de familles acquièrent un deuxième magasin, mais il demeure tout de même la norme dans la plupart des régions, toute bannière d’affiliation confondue.

Le portrait diffère au niveau des bannières et des fabricants où les fusions font souvent la manchette. L’auditoire n’a pas eu besoin des panélistes pour constater entre autres le mouvement d’acquisitions qui se déroule actuellement en vitesse accélérée entre les coops régionales ni pour se rappeler l’acquisition de Lowe’s sur RONA.

M. Bélair a pris soin de remettre les pendules à l’heure : « À première vue, on dirait qu’il y a des magasins qui se font acheter dans ces processus, mais il n’en est rien. »

En effet, les Réno-Dépôt étaient déjà corporatifs avant la transaction de Lowe’s et les divers RONA qui peuplent le Québec sont restés des magasins indépendants, nonobstant ce qui s’est passé entre les sièges sociaux et les actionnaires des sociétés publiques concernées.

Idem du côté des coops. La centaine de BMR opérés par des familles avant que La Coop fédérée intègre le Groupe BMR en son sein demeurent des magasins actifs et indépendants au sens où ce sont des entités légales qui n’ont pas du tout été dissoutes.

Selon les deux panélistes, les quincailleries indépendantes demeurent donc bien en place et vivantes malgré des apparences médiatisées trompeuses.

Thème 2 : le succès en quincaillerie, une affaire d’inventaire ou de relation client?

Nicolas Couture a été clair : sans stock, point de salut : « Le magasin aura beau être le plus beau avec le personnel le plus gentil, un client qui entre dans une quincaillerie veut ressortir avec le produit ou le conseil qu’il cherchait ».

Richard Darveau en a profité pour sensibiliser le public au fait que le « magasinage », comme on dit, n’est pas une activité aussi en force dans notre secteur que dans les autres : « On peut faire du lèche-vitrine devant des boutiques de vêtements, on peut se rendre dans deux ou trois concessionnaires de marques différentes pour comparer les autos, on peut fouiner pour le plaisir dans une librairie ou un magasin de disques, mais règle générale, deux motivations poussent un consommateur à se rendre dans une quincaillerie : il a un problème à régler ou un projet de rénovation à réaliser. »

Thème 3 : pourquoi la trésorerie des centres de rénovation est-elle plus vulnérable?

Un centre de rénovation qui veut prospérer doit pouvoir fournir des matériaux aux chantiers et en particulier, aux chantiers institutionnels, car le gain possible est appréciable. Sauf que la réalité devient quasiment cauchemardesque, terme employé par Christian Bélair : « Les matériaux qu’on aura achetés des semaines à l’avance doivent être payés à l’intérieur de 15 à 30 jours en général. On les livre à crédit à l’entrepreneur des travaux. Un chantier peut prendre des semaines, voire des mois avant d’être complété. Lui, le « contracteur » ne pourra nous payer que lorsque lui-même l’aura été. De ce fait, on se retrouve à être le premier à débourser et le dernier à être 100 % payé ».

« Et ça, de renchérir M. Bélair, c’est quand l’entrepreneur n’a pas fait faillite entretemps. On essuie alors une perte totale! »

Au nom de l’AQMAT, Richard Darveau a assuré les deux panélistes que le dossier serait priorisé lors de ses prochaines rencontres avec des intervenants tant du secteur bancaire et des assureurs de risques qu’avec les gens du ministère de l’Économie et de l’Innovation et les associations représentant les entrepreneurs.

Un auditoire attentif et curieux pour l’atelier animé par l’AQMAT au Sommet du commerce de détail 2019.

Un grand risque atténué par un immense chantier d’économie solidaire

L’atelier aura aussi permis de sensibiliser les participants à l’impact de la fin du crédit fiscal RénoVert, le 31 du mois courant.

En gros, depuis 2016, c’est approximativement 247 000 ménages qui ont investi en moyenne 11 000 $ pour rénover leur résidence principale. On parle donc au total d’environ 3 milliards de dollars. La question insoluble : quel pourcentage de ces travaux auraient tout de même été effectués sans RénoVert?

« Le chiffre qu’on connaît mieux, en revanche, a expliqué Richard Darveau, c’est la part des achats dans une facture de 11 000 $ : elle va varier de 33 % à 50 %, le reste étant les honoraires de l’entrepreneur et de ses ouvriers.

« De tels taux correspondent à des transactions dans les centres de rénovation qu’on peut estimer entre 1 milliard et 1,5 milliard $ et qu’il faudra générer sans l’aide d’un crédit fiscal », a rappelé le président et chef de la direction de l’AQMAT.

Désireux de terminer l’atelier sur une note plus optimiste, Richard Darveau a révélé à l’auditoire les grandes lignes du programme Bien fait ici www.ici-here.ca avant de conclure avec la présentation du clip suivant :

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *