La Californie tente de plomber les compagnies de peinture sur une question d’environnement et de santé

 Le plomb refait surface. Interdit depuis 1978 dans la peinture en Californie, il demeure tout de même présent dans des milliers de maisons. Or, la Cour d’appel de San Jose vient d’imposer à trois fabricants de peinture l’obligation de payer pour les coûts d’enlèvement de cette peinture dans toutes les maisons concernées de dix villes de l’État. Du moins, dans les maisons d’avant 1951, année où la peinture contenant du plomb a été interdite de publicité dans la Golden State.

Les compagnies visées Conagra, NL Industries et Sherwin-Williams, accusées par la magistrature d’avoir « commercialisé des produits pendant des décennies en étant tout à fait conscientes des dangers pour la santé humaine”.

Le directeur de la santé et sécurité de l’Association de l’industrie américaine du plomb, M. Manfred Bowditch, doit regretter encore aujourd’hui d’avoir transmis en 1956 cet avis écrit à la direction de l’organisme, pièce qu’a utilisé à bon escient le procureur pour démontrer que le patronat était bien au courant des effets secondaires du plomb dans la peinture.

D’ailleurs, Me Cotchett a souligné dans sa présentation à la cour à quel point le cas concernait avant tout les enfants, en particulier les enfants de familles à faible revenu du grand Los Angeles sur lesquels des tests ont été réalisés pour constater des taux anormalement élevés de plomb dans leur sang.

On connaît en fait depuis l’Antiquité les dangers représentés par le plomb. Ceci n’a pas empêché tous les fabricants de mettre de l’avant les caractéristiques de durabilité et de résistance à l’eau des peintures enrichies de plomb tout en minimisant l’insécurité de cet additif.

La somme originale demandée par le gouvernement dans l’affaire s’élevait à 1,15 milliard $ US. Elle devrait se conclure quelque part entre 400 et 600 millions $ US.

Un fonds public sera créé pour retirer la peinture au plomb des portes, fenêtres et murs. L’opération inclura l’enlèvement de la poussière et d’éventuels travaux de décontamination des sols.

Les rumeurs sont à l’effet que les défendeurs porteront la cause jusqu’en Cour Suprême en Californie. L’avocat représentant Sherwin-Williams mise sur le fait que le jugement vient stigmatiser les propriétaires des maisons touchées. Étiquetées nuisances publiques, elles perdraient toute valeur et de ce fait, l’État viendrait nuire à leurs propriétaires plus que les aider. Me Dias ajoute que rien n’indique que l’enlèvement de la peinture n’aura pas pour effet de faire ressortir encore plus le plomb jugé nocif.

Au Québec ?

Au Québec, les murs et autres éléments de la majorité des bâtiments érigés avant 1976 sont recouverts de peinture à base de plomb. La firme de génie-conseil Gesfor Poirier, Pinchin affirme que les surfaces sont sans danger lorsqu’elles sont en bon état, mais peuvent représenter un risque pour la santé humaine si elles sont détériorées ou si des travaux sont entrepris.

Un peu d’histoire

Les premières utilisations du plomb qui soient documentées datent de 4 000 ans avant notre ère.

Du milieu du XVIIIe siècle jusqu’aux années 1960, le plomb est employé comme pigment dans la plupart des peintures à l’huile, plus spécifiquement et en plus grande quantité dans le blanc et les couleurs pastel. La concentration massique en plomb de certaines de ces peintures dépasse alors 50 %.

Dans les années 1940, graduellement, d’autres substances remplacent le plomb pour la pigmentation des peintures, excepté dans le cas de certaines couleurs particulières, mais de petites quantités sont encore utilisées comme scellant ou pour accélérer la cure.

En 1976, le gouvernement fédéral passe un règlement limitant à 0,5 % la teneur en plomb des peintures d’intérieur.

Jusqu’en 1991, les peintures d’extérieur, commerciales et industrielles, ne sont pas, quant à elles, soumises à cette limite, mais un avis de la teneur en plomb doit apparaître sur les contenants.

Au début des années 1990, les fabricants de peinture au Canada cessent pratiquement d’utiliser du plomb dans les peintures (concentration seuil de 0,06 % massique), à l’exception de certaines peintures spécialisées et d’utilisation industrielle.

Il est à noter que du plomb peut aussi être présent dans les teintures, les vernis et les émaux appliqués dans les mêmes années que les peintures.

Risques

La firme de génie Gesfor, Poirier, Pinchin maintient dur comme fer (!) que les surfaces recouvertes de peinture à base de plomb, lorsqu’elles sont intactes, sont totalement sans danger. Leurs experts nuancent toutefois : si elles sont endommagées ou altérées (clochées, craquelées, écaillées, égratignées, etc.), il peut exister un risque d’absorption de poussières et de particules de plomb. *

La SCHL dit aussi que c’est mieux de ne pas toucher à la peinture au plomb en bon état, celle qui ne s’écaille pas, de l’encapsuler sous une nouvelle peinture, sous une feuille de gypse ou des boiseries et surtout, de ne pas la sabler à la machine. Voici le dossier plomb publié en 2003 par le magazine La Maison du 21e siècle.

Le plomb est l’un des premiers produits dont on reconnaît la toxicité, et cela, à l’époque romaine. Malgré cette découverte, son utilisation n’a cessé de croître depuis. On considère que sa concentration résiduelle dans l’environnement est maintenant 20 fois plus importante qu’il y a 200 ans. Le plomb est biopersistant, c’est-à-dire qu’il est difficilement éliminé par l’organisme (phénomène de bioaccumulation). Le plomb peut affecter le système nerveux central et périphérique, cardiovasculaire, reproducteur, sanguin et rénal. Il est cancérigène chez l’animal, mais cet effet n’a pas été prouvé chez les humains, faute d’études à long terme. Plusieurs symptômes de l’intoxication au plomb sont peu spécifiques, ce qui rend le diagnostic clinique difficile. Les principales sources d’exposition professionnelle au plomb sont les fumées et les poussières inhalées ou le plomb ingéré en portant ses mains à la bouche en cas de mauvaise hygiène.

Note de la rédaction : c’est sans doute la situation qui prévaut dans ces dizaines de milliers de maisons californiennes en milieu défavorisé où l’entretien n’a pas peut-être pas été nickel (!).

La compagnie National Lead Co. a placé cette publicité dans le périodique National Geographic en 1923 vantant sa peinture au plomb Dutch Boy.

 

 

 

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