Le blogue de Richard
Excitante menace
Amazon est bien nommé. Le site ne demande pas, il prend. Il usurpe. Et il s’installe. Il assiège.
Comme le fleuve sauvage.
Comme les légendaires guerrières.
Amazon.com ne balaie pas autrement sur son passage depuis son arrivée sur le web. Sauf qu’il se limitait aux livres. Tous s’en foutaient. Sauf les libraires, bien entendu. Puis le site transactionnel a embrassé tout l’univers des produits culturels, neufs comme usagés. Résultat de la course: un chiffre d’affaires de 20 milliards $ et une « boutique » où s’activent 17 000 personnes. On est loin des pelleteux de nuages et de la simple anecdote virtuelle.
Amazon existe pour vrai. Et va déranger nos marchands pour vrai.
Tant et si bien que lorsque le journal Les Affaires me demande cette semaine si on se sent menacé par l’annonce du bras canadien de Amazon à l’effet de mettre en vente directe jusqu’à 60 000 articles et produits de quincaillerie et de matériaux, j’hésite environ le tiers du quart d’une seconde avant d’émettre un oui non équivoque.
On se sent aussi excité par ce coup de pied au c.. Le même effet qu’un « wake up call » après une période de paresse un peu molle.
On se demande pourquoi on a si longtemps attendu, nous, les magasins réels avec des clients en chair et en os, avant de se comporter au travail comme on le fait dans la vie privée: à la maison, en soirée ou le week-end, tout le monde ou presque magasine par Internet. Et on est de plus en plus nombreux à acheter en ligne.
Il en est ainsi des clients réels qui entrent dans nos quincailleries et nos centres de rénovation: ils sont en bonne partie AUSSI des Internautes, des e-clients.
Les raisons pour lesquelles on a laissé une entreprise virtuelle entrer dans nos magasins si facilement sont maintenant vaines à être connues. Le score est 1 à 0 pour Amazon. Faut faire du rattrapage. Le temps perdu ne se rattrape plus, une chanson a déjà établi ce fait.
Mais avec un bon plan, créatif et pertinent, on doit encore espérer que nos joueurs sauront séduire et satisfaire la dimension virtuelle qui se trame sous presque tous leurs clients réels.
Réapprendre à marcher
Mardi, à notre soirée Réseautage & Gastronomie à Québec, je parlais avec Michel Ouellet, un jumeau, employé comme son frère chez Techniseal. Il me parlait économie, avançant que le vieil adage « Vaut mieux apprendre à marcher avant de courir » devrait être amendé pour tenir compte de l’actualité économique pour le moins vacillante et devenir: « Après avoir couru, il faut maintenant réapprendre à marcher ».
C’est vrai qu’on a connu de fulgurantes années, au point de presque rire au nez de la récession.
La récréation est finie. Place à la parcimonie. Chaque geste est pesé. Pausé aussi. C’est la simplicité involontaire. Il faut se réapproprier nos bases. Déléguer moins. Délester plus du tout.
Respirer.
Respirer est devenu un luxe qu’on se paie quand arrive la maladie.
Ce même mardi, un autre jumeau, âgé de seulement 14 mois celui-là, j’en suis le grand-papa, passait au bistouri au moment où je livrais mon allocution de circonstance devant la centaine de membres. Une bactérie, possiblement liée à une pneumonie latente, s’était infiltrée, visait ses os de hanche.
Sur le chemin du retour, j’imaginais Édouard arrivant à prendre le dessus à coups d’antibiotiques intraveineux et d’amour, devant réapprendre à marcher, lui qui n’a jamais encore connu la course. Plus j’avançais, plus proche de lui et de sa cause je me sentais.
Réapprendre à marcher. À s’alimenter. À goûter l’eau. À respirer. Si possible par le nez jusqu’au ventre. Mesurer ses pas de manière économe. Comprendre que deux enjambées rapides séparées d’un pas de recul nous fait perdre du calme, des réserves d’énergies pour affronter les rares vraies embûches au bonheur et à la prospérité. Cela nous fait surtout avancer d’un seul pas, payé à prix trop fort.
On vit nos vies à demie en pensant à l’avenir. Façon polie de dire qu’on profite à moitié du présent. Ironique que le mot présent soit aussi synonyme de cadeau.
La route de Québec à Montréal a été salvatrice. Comme le sera sans doute le parcours non terminé d’Édouard pour lui, pour son frère et tous ses proches.
Des jumeaux m’ont appris que vivre avec des jumelles braquées dans le visage à plein temps n’était ni rentable, ni agréable.
Peurs
Pauvres clients
Je lisais hier que Vancouver est devenue la ville des inégalités les plus grandes, mesure qui se prend à partir de l’équation coût du logement vs revenu. Là-bas, cinquante pourcent de la population défraie 50 % de ses revenus pour le logement.
J’entendais hier le maire de Whistler – dans un étonnant français – expliquant qu’il a jugulé la problématique du logement abordable pour les gagne-petit en obligeant tous les constructeurs à prévoir un pourcentage d’appartements pas chers. La municipalité donne alors le terrain. Conséquence d’un tel plan d’intervention qui, sous des allures sociales prend une tournure carrément économique: l’industrie touristique, en particulier le ski dans les Rocheuses, qui fait vivre l’agglomération, n’a plus de difficultés à obtenir des employés pour rouler sa business.
Je vois aujourd’hui que Statistique Canada établit à 35,6 % la proportion des locataires du Québec qui paie 30 % ou plus de leur revenu pour se loger. Actuariellement parlant, ce sont des pauvres.
Selon un document de réflexion produit par Centraide Québec, organisme qui vient en aide à des centaines d’organismes d’entraide sociocommunautaires du Québec, les répercussions sociales de la pauvreté ne se font pas sentir seulement sur les individus et les ménages défavorisés, mais aussi sur l’ensemble de la société. La pauvreté engendre d’importants coûts sociaux dans divers domaines : sécurité du revenu, santé, éducation, justice, cohésion sociale et milieux de vie.
Le coût global de la pauvreté au Canada, en 2000, serait de près de 10 milliards de dollars, alors que 4 milliards de dollars auraient suffi à hisser les enfants hors de la pauvreté.
Les coûts systémiques de la pauvreté seraient donc plus élevés que les sommes à investir pour la combattre…
Pendant que d’autres militent en faveur de l’amélioration des connaissances en diététique pour que les moins nantis mangent mieux, que d’autres oeuvrent à contrer le décrochage scolaire, que d’autres encore donnent une deuxième ou une troisième chance aux matériellement ou culturellement pauvres qui ont commis des méfaits et veulent s’extirper de leur statut de rejetés sociaux et souvent même familiaux, nous, que faisons-nous ? Que pouvons-nous faire?
De simples mots-clé peuvent guider notre recherche de bonnes intentions: construction, rénovation, décoration. Ne cherchons pas loin de son champ d’intervention qui nous distingue des autres citoyens corporatifs.
Je pense qu’on peut et doit jouer un rôle dans nos quartiers respectifs pour les rendre plus salubres et plus sécuritaires, ce qui peut se traduire par un engagement de nos magasins et de nos usines auprès d’organismes qui s’activent concrètement sur le terrain. Parfois, un nouveau parc, un nouveau bâtiment, répondant aux besoins locaux, peut changer le cours d’une vie.
Invité aux Entretiens Jacques-Cartier, l’ex maire d’une ville brésilienne parle d’acupuncture urbaine pour désigner le geste précis que l’on peut faire près de chez soi. Jolie image à récupérer pour soi.
On peut et doit aussi jouer un rôle-conseil pour guider les moins informés qu’on appelle les analphabètes sociaux. Parmi vos clients, voire nos employés, vous seriez surpris de constater le nombre de personnes qui ont bénéficié d’apprentissages, mais qui n’ont pas acquis, ou ont perdu, la maîtrise de la lecture, de l’écriture et du calcul.
Les pauvres qui n’ont soit pas assez d’argent ou de connaissances pour s’assumer méritent une assistance particulière. Leur rendre service, les accompagner de plus près que les autres peut faire la différence.
Céder une marchandise au prix qu’on l’a payé ou offrir un service ne coûte rien. En échange de ce rien, le magasin ou l’usine peut rapporter une fierté qui ajoutera de la valeur à sa réputation et à ses qualités d’employeur.
Et qui sait si le désoeuvré d’aujourd’hui ne deviendra pas un jour votre plus gros client ou votre employé-clé…
Tout le monde en parle
Oui, tout le monde en parle. Personne n’agit encore.
Tout le monde en parle tellement que je n’ai même pas besoin de nommer la chose par son nom sans que vous, lecteurs, sachiez de quoi je parle.
Même le premier ministre connait l’inommable.
Elle sera publique avec des préliminaires plus propices à la confidence, ainsi se dessine-t-elle, quoi que revendiquent les partis d’opposition.
Au-delà des bandits à épingler, des méthodes établies en système sont à révéler et à détruire, cela pour le bien des consommateurs autant que de nos commerces et fabricants dont le travail est ombragé par tant de travail sous la table et d’enveloppes brunes.
On ne peut taxer notre nouveau Monsieur Net de parler à la solde de quelque lobby. Il incarne la libre pensée, expression attribuée à Victor Hugo pour qualifier une attitude consistant à refuser tout dogmatisme au profit du pragmatisme, à ne se fier qu’à sa raison. Partant, un pas à franchir pour conférer à son rapport une foi d’oracle.
Je suis comme vous. Enfin, comme 90 % d’entre vous. Je rêve que la chose dont tout le monde parle ratisse plus large que les ponts et chaussées.
Qu’elle zoome Hydro-Québec.
Qu’elle commence avant l’attribution des contrats découlant de la Baie James du 21e siècle, projet appelé le Plan Nord.
Qu’elle scrute les méga ministères que sont l’Éducation (15 milliards $) de la Santé (30 milliards $) car dois-je rappeler que le budget du ministère des Transports analysé par Monsieur Net ne représente que 5 % de tout ce que le gouvernement dépense?
Parle parle, jase jase. C’est pas juste de la télé. C’est la réalité vraie qui nous intéresse maintenant. Celle qui est payée à commission. Oups, j’ai prononcé le mot interdit!
Le défi des mâles anti magasinage
L’arroseur arrosé
Un policier, ou une quinzaine de policiers, même enquêteurs, même chevronnés, ne peut remplacer une véritable commission d’enquête. Mais ils peuvent, par leur rapport, surtout s’il est signé de la pointure d’un Jacques Duchesneau, provoquer la tenue de celle-ci.
C’est la leçon, la dure leçon, qu’apprend depuis hier le gouvernement du Québec.
Faisant fi de la volonté d’à peu près toutes les couches de la société réclamant une commission d’enquête publique sur l’industrie de la construction, le premier ministre s’en est tenu à commander un rapport à l’Unité anticollusion. Puisque le document devait être secret, le gouvernement avait beau jeu d’utiliser les ingrédients pouvant servir à présenter, au moment et au lieu qui lui conviennent, sa stratégie de contre-attaque. Sauf qu’il n’est déjà plus secret, le rapport. Et ce n’est pas un rapport, c’est une bombe! Projectile explosif que les médias ont obtenu par coulage de l’intérieur. La machine à rumeur se remet aussitôt à s’activer en faveur d’une maintenant inévitable commission d’enquête.
Car on ne parle plus d’illégalités possibles, mais de faits recueillis sur le terrain. M. Duschesneau réfère même à l’immoralité, une valeur plus profonde que la seule fraude à laquelle se prête les bandits en cravate ou avec casque de construction. On fouille ici dans nos tripes, plus seulement nos poches.
Outre des entrepreneurs en construction, des firmes de génie-conseil et des employés du ministère des Transports du Québec sont aussi pointés du doigt, et bientôt du pied peut-être. Dépassement de coûts par des entrepreneurs, favoritisme des ingénieurs envers ceux-ci, financement illégal des partis politiques par l’industrie des travaux routiers, on jurerait un argumentaire de campagne politique concocté par l’opposition. Mais non. C’est le gouvernement qui s’est arrosé.
Comme toute bombe, celle lancée sans le vouloir par Duchesneau et al vient donner de l’eau au moulin des tièdes à l’égard du néo-libéralisme, avec sa tendance à réduire à son minimum la fonction publique et du coup, à diluer toute expertise interne pouvant protéger l’intérêt commun. La privatisation et l’allégement de l’État viennent peut-être d’atteindre leur point limite.
«S’il devait y avoir une intensification du trafic d’influence dans la sphère politique, on ne parlerait plus simplement d’activités criminelles marginales, ni même parallèles: on pourrait soupçonner une infiltration voire une prise de contrôle de certaines fonctions de l’État ou des municipalités», peut-on lire dans le rapport.
De là à en déduire que nos centres de rénovation et nos fabricants qui gagnent honnêtement leur vie d’entrepreneur soient lésés par de telles camaraderie à l’opposé d’un libre marché réglementé que sous-tend un capitalisme sain, c’est un pas… que je franchis!
Faut décôner
Au final, le ralentissement et les coûts engendrés par la congestion routière accentue le fossé entre les attentes et l’impatience du consommateur versus le pouvoir de servir du marchand.
Ah! ce retour
Ça doit bien être la trentième fois de ma vie, je devrais y être habitué. Je reconnais la texture de ces instants de tâtonnements inévitables où l’on se cherche. La perte d’automatismes dont on ignorait l’existence jusqu’à ce dernier dimanche de vacances. L’enthousiasme mis à raconter aux employés les grandes aventures qui nous sont arrivées, que les autres, écouteurs obligés, décodent comme de simples anecdotes, tellement moins wow que les leurs, leurs aventures, pas leurs anecdotes.
On ne s’habitue pas aux retours des vacances annuelles.
Le temps fait son oeuvre, tant et si bien qu’en quelques jours, le post-vacances n’est plus un état. La période transitoire s’est évaporée. On est au boulot maintenant. Et totalement.
L’enthousiasme des projets jumelé aux délais et aux budgets, ces deux agents stressants communs à tout gestionnaire, nous aspirent, du moins nous inspirent. Ce petit pourcentage de clients mécontents nous ramène à la réalité. Les vacances? De quoi tu parles?
Le désir de s’affirmer par le travail, de se prouver ou de se faire plaisir, occupent tout le corps et l’esprit. Au point où non seulement les prochaines vacances nous disent rien, même l’ombre de l’idée de prendre une retraite un jour ne plane pas sur nos silhouettes qui avancent droites et volontaires sous le nouveau soleil… des bureaux climatisés.


