Budget : peu pour la main-d’œuvre et l’habitation, rien pour contrer l’impact du blocus ferroviaire et le coronavirus

Porte-parole de l’AQMAT, Richard Darveau reçoit avec dépit le budget du gouvernement du Québec eu égard aux défis de l’industrie de la quincaillerie et des matériaux. Voici son blogue.

Si j’avais à commenter le budget comme citoyen, je m’en montrerais assez satisfait. Éparpillé, mais pragmatique, les deux vont souvent ensemble, le gouvernement prévoit entre autres les dix mesures suivantes qui me sourient :

  1. un surplus d’investissement dans les transports publics dont je suis un grand utilisateur;
  2. une attention aux défaillances rapportées à la Direction de la protection de la jeunesse;
  3. plus d’aide aux femmes victimes de violence conjugale;
  4. une amélioration de la qualité dans les CHSLD;
  5. un crédit d’impôt pour les aidants naturels;
  6. un budget record en aide à la production artistique;
  7. un accroissement du budget aux aires naturels à protéger;
  8. un encouragement à l’agriculture bio;
  9. de nouvelles mesures favorisant la réussite de la francisation et l’intégration des personnes immigrantes;
  10. la promesse de prolonger enfin la route 138 entre Natashquan et Blanc-Sablon pour éviter le grand crochet par le Labrador.

Si je n’étais pas à l’AQMAT et que j’avais à me prononcer comme simple observateur de la scène socio-économique, j’aurais soulevé les cinq points suivants :

  1. la prémisse d’une croissance de 2 % sur laquelle repose l’exercice budgétaire ne tient pas la route. Certes, l’économie a été « pimpée » autour de 2,5 % depuis trois ans, mais les économistes les plus optimistes envisagent 1,5 % pour 2020, les autres osent évoquer le mot récession, cela dû à un ensemble de facteurs, dont la volatilité des marchés boursiers et du comportement des magnats du pétrole, l’inconnue électorale au niveau de la présidence des États-Unis, le climat de repli que cause l’arrivée du coronavirus, les pertes directes générées par le blocage des voies ferrées;
  2. l’encouragement au développement de chaînes de valeur de minéraux stratégiques, comme le lithium pour les batteries, mais également ce qu’on appelle les terres rares, par exemple, le cobalt et le niobium, permettent au Québec de faire un lien entre les ressources naturelles de son territoire et la modernité technologique qui induit des changements d’approvisionnement;
  3. la recherche d’une solution pancanadienne au fait que la vente en ligne de certains produits échappe à la perception d’une taxe de vente a un double mérite : offrir aux entreprises d’ici un traitement plus équitable face au fisc et s’enrichir d’une contribution des géants du web au paiement du bien public;
  4. la rénovation des infrastructures portuaires afin de favoriser le recours au transport par l’eau peut stimuler l’économie de plusieurs municipalités en région, décongestionner la voirie et lutter contre les changements climatiques;
  5. le peu d’argent promis à l’amélioration des salaires et des conditions entre autres des enseignant(e)s et des infirmières aura pour effet que trop peu de personnes compétentes voudront travailler ou rester dans ces secteurs-clés pour le bon fonctionnement de notre société.

Mais je suis à l’AQMAT et c’est à ce titre que vous souhaitez m’entendre. Voici donc mes cinq observations et commentaires plus officiels :

  1. l’équilibre rompu entre l’offre et la demande de logements, tant en quantité qu’en qualité, n’est pas du tout attaqué dans ce budget. Tant à gauche, du côté des défenseurs des plus démunis qu’à droite, du côté des propriétaires de multiplex, la situation est pourtant décriée. L’immobilier sent la surchauffe à cause de la rareté. Les proprios voudraient rénover les apparts, mais ne reçoivent pas vraiment d’aide. Les promoteurs voudraient construire, même intégrer du logement social, mais ils ne reçoivent pas l’aide de l’État;
  2. le Plan québécois des infrastructures prévoit 5,9 milliards $ pour l’agrandissement, la rénovation et la construction de classes ou d’écoles d’ici 2030. Mais qui soumettra ses produits, ses services, alors qu’il y a encore absence d’une réelle politique d’architecture et que trône l’impitoyable règle du plus bas soumissionnaire?
  3. alors que nos commerces et nos usines fonctionnent à mi-régime par manque d’employés, le gouvernement ne propose aucun programme cohérent et musclé pour offrir aux entreprises la main-d’œuvre qui leur fait défaut. La CAQ voit encore l’immigration comme une menace. Des mesures trop tièdes à l’égard des 55 ans et plus ne vont pas changer la donne. La main ne semble pas tendue au Fédéral pour qu’il révise les règles de l’assurance emploi afin de ramener des employés saisonniers;
  4. aucun programme n’est offert aux manufacturiers de quincaillerie ou de matériaux d’ici qui peinent à s’ajuster à une économie récemment consolidée, laquelle exige des fournisseurs possédant une plus grande capacité de production et des technologies de contrôle de qualité plus assurées. La problématique avait été bien diagnostiquée par la ministre Anglade sous l’ancien gouvernement, mais l’actuel n’a pris aucun relais en la matière;
  5. le soutien à l’achat local en quincaillerie, pourtant soulevé par le premier ministre et le ministre de l’Économie et de l’Innovation à plusieurs reprises en 2019 ne fait l’objet d’aucune annonce. L’AQMAT, initiateur du programme « Bien fait ici », va reprendre son bâton du pèlerin pour amener l’État à souscrire aux vertus économiques et politiques de celui-ci.

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