Un manufacturier de solvants écologiques dénonce des iniquités dans l’application des règlements gouvernementaux

Hier, Sébastien Plourde, président de l’entreprise manufacturière Super Décapant située à Granby – qui a lancé récemment la gamme SolvÉco – a pris la plume et a écrit aux chefs des cinq partis fédéraux en course électorale. Il leur a posé cinq questions. Lire ici l’intégralité de sa correspondance.

« Exemptions aux solvants toxiques – incohérence réglementaire et menace pour nos PME manufacturières canadiennes

On dit qu’il faut juger les gens à leurs actes, pas à leurs paroles. J’imagine qu’il en va de même pour nos gouvernements et les acteurs de la chaîne d’approvisionnement.

En 2021, le gouvernement libéral a adopté le règlement DORS/2021-268, visant à limiter la concentration en composés organiques volatils (C.O.V.) dans une gamme de produits de consommation, incluant les solvants et décapants. Cette réglementation a été mise en place dans le but de réduire les émissions de substances reconnues comme nuisibles à la santé publique et à l’environnement. En effet, les C.O.V.peuvent provoquer des irritations, des réactions allergiques, et, à long terme, affecter le foie, les reins, lesystème nerveux central, en plus de contribuer à la pollution de l’air intérieur et extérieur. Leur persistance représente également un danger pour la faune, la flore et la qualité des écosystèmes. 

Super Décapant s’efforce depuis plus de 35 ans de fabriquer ici, au Québec. Notre entreprise s’est immédiatement conformée aux nouvelles règles : sous la marque SolvEco, nous avons développé une gamme de diluants et de décapants sans distillat de pétrole qui s’avèrent plus efficace que les formules contenant des produits chimiques potentiellement dangereux tels que l’éthyle benzène, le méthanol, le toluène, le xylène, ou autres cancérogènes. Nos produits vont au-delà des nouvelles normes canadiennes et rejoignent celles, plus exigeantes, du marché européen.

Entre-temps, je constate que des produits d’une génération pourtant proscrite par le nouveau règlement continuent d’être vendus en quincaillerie. Comment cela est-il possible? Des compagnies auraient obtenu audience auprès d’instances relevant du ministère de l’Environnement et du Changement climatique dansle but d’obtenir des exemptions. Elles ont invoqué ne pas être prêtes technologiquement à se faire imposer des changements.

Sur la base de la nouvelle réglementation, nous avons acheté des composants et développé de nouvellestechniques de production respectueuses des nouvelles normes, mais la grande majorité des marchands boudent la gamme SolvEco. En conséquence, nos stocks d’intrants se sont accumulés, notre chiffre d’affaires et notre position dans le marché sont directement affectés par l’inaction du gouvernement.

Autrement dit, une cohérence gouvernementale entraînerait l’engagement et la solidarité des détaillants, la recherche et développement de la part des autres entreprises, en plus de sécuriser mon patrimoine entrepreneurial, l’environnement et la santé.

Cinq questions méritent donc d’être soulevées : 

  1. Qu’est-ce qui justifie de freiner l’innovation au lieu de l’encourager ?
  2. Pourquoi pénaliser les entreprises qui investissent pour mieux protéger l’environnement et la santé des utilisateurs ?
  3. Comment peut-on tolérer que des produits jugés préoccupants par le gouvernement soient encore en vente, avec la complicité involontaire des marchands ?
  4. Si un assouplissement réglementaire a été accordé à certains, pourquoi n’a-t-il pas été étendu à toutes les entreprises du secteur ?
  5. Pourquoi un gouvernement qui prône l’écologie et l’achat local ne soutient-il pas les PME d’ici qui s’efforcent d’innover de manière responsable ?

Bien sûr, on pourrait reprocher aux acheteurs des groupements d’achat en quincaillerie de continuer àpromouvoir des produits potentiellement plus dangereux. Mais puisqu’il y a laxisme gouvernemental dans l’application réglementaire, dans un monde très compétitif où les bas prix font loi, ils hésitent encore à s’évertuer de proposer à leur clients une formule qu’ils savent efficace, écologique, non toxique, mais forcément plus coûteuse.

Entre nous, si j’étais une grande bannière en quincaillerie, il me semble que je tenterais de me démarquer en promettant à ma clientèle d’offrir les meilleurs produits pour leurs maisons et pour leurs occupants avec, en boni, une préséance pour les entreprises d’ici. 

En janvier dernier, nous avons officiellement interpellé le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, sans avoir reçu de réponse à ce jour. Quel politicien soucieux d’encourager les manufacturiers d’ici et de protéger l’environnement et la santé viendra visiter mes installations durant la campagne et s’engagera d’appliquer la réglementation en vigueur?

Super Décapant réitère sa volonté de collaborer avec les autorités dans un esprit de transparence, d’équitéet de développement durable. Les règles doivent être les mêmes pour tous. »

Commentaire de Richard Darveau, président de l’AQMAT : « Le cas nous rappelle Soprema qui avait contesté auprès des mêmes autorités fédérales le fait que des concurrents avaient obtenu le droit de continuer à produire et à vendre des isolants d’une génération contredisant la nouvelle réglementation. Lire ici cette histoire. Une telle gestion à la pièce crée des iniquités qui sont contraires à un capitalisme sain, et nous la dénonçons ».

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