Rapidité des paiements gouvernementaux lors de travaux publics : de la lumière au bout du tunnel

Le gouvernement du Québec sera contraint de payer plus rapidement les entrepreneurs qui travaillent sur ses chantiers. Selon un reportage de Radio-Canada diffusé ces derniers jours, un projet pilote, dont l’annonce est prévue pour bientôt, suggérerait un calendrier de paiement plus rapide dans l’industrie de la construction.

Déjà en octobre dernier, l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) dévoilait les résultats d’une étude sur le fardeau administratif et réglementaire des entreprises en construction et rénovation résidentielles. L’étude révèle que le fardeau administratif des entreprises en construction est de plus en plus lourd et que la performance des organismes gouvernementaux liés à la construction laisse à désirer et devrait être améliorée.

Selon Radio-Canada, à défaut de mettre fin aux retards de paiement, des amendes allant jusqu’à 40 000 $ seront imposées aux donneurs d’ouvrage, y compris l’État québécois. Le ministre Robert Poëti mettra aussi en place un mécanisme de règlement pour les parties qui n’arrivent pas à s’entendre sur le coût final de la facture. Son projet pilote se réalisera grâce au dépôt d’un amendement au projet de loi 108 pour la création de l’Autorité des marchés publics, présentement à l’étude.

Une démarche de longue haleine

En février dernier, l’AQMAT publiait un article où on rappelait qu’en mars 2015,  des associations patronales s’associaient sous la Coalition contre les retards de paiement pour demander au gouvernement et aux municipalités de créer des règlements qui permettraient d’accélérer les paiements et obtenir des délais raisonnables.

Selon une une étude d’impacts économiques réalisée par Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) pour le compte de la Coalition, les impacts des retards de paiement «  menacent la survie des entreprises et entraînent une diminution de la concurrence  ».

Les données, dévoilées en avril 2015, indiquaient que chaque année, les entrepreneurs de la construction devaient jongler avec 7,2 milliards de paiements en retard. Ces derniers totaliseraient 15 % des dépenses annuelles dans l’industrie.

Selon l’étude, les délais auraient doublé depuis la dernière décennie et auraient atteint 80 jours en moyenne, autant au public qu’au privé.

Marc Bilodeau, porte-parole de la Coalition contre les retards de paiements  dans la construction et président de la Fédération québécoise des associations d’entrepreneurs spécialisés en construction

Le manque de liquidités serait dangereux pour les petits entrepreneurs devant payer les salaires, fournisseurs et effectuer les divers paiements à l’État, tels que les retenues à la source (montants pour la Régie des rentes, l’assurance-emploi, etc.), précise le document. « Dans certains cas, les délais peuvent contribuer à ce qu’un entrepreneur déclare faillite », indiquait à l’époque Marc Bilodeau, porte-parole de la Coalition contre les retards de paiements  dans la construction et président de la Fédération québécoise des associations d’entrepreneurs spécialisés en construction.

Depuis la commission Charbonneau, Québec veut s’assurer que tous les dépassements de coûts sont justifiés, et que le moindre « extra » a été autorisé. Selon la firme KPMG, ces vérifications causent des retards de paiement qui totaliseraient plus de 7 milliards de dollars par année.

Quelque 10 % des entrepreneurs attendent au moins deux mois avant de recevoir leur argent. Un délai trop long pour garantir une saine concurrence dans l’industrie de la construction, reconnaît le ministre Poëti, dont le projet doit répondre à l’une des recommandations de la commission Charbonneau.

Volonté gouvernementale annoncée

Malgré les résultats inquiétants quant à la performance de la plupart des organismes publics visés par l’étude, l’APCHQ tient à saluer la révision annoncée à la fin septembre par le gouvernement du Québec de la Politique gouvernementale sur l’allègement réglementaire et administratif ainsi que la mise sur pied d’un chantier sur le commerce de détail afin d’alléger le fardeau imposé aux entreprises de ce secteur. L’AQMAT entend aussi unir sa voix à cette démarche, assure le président et chef de la direction, Richard Darveau.

Pour certains avocats spécialistes du droit de la construction, il s’agit d’un « premier pas intéressant ». Me Jasmin Lefebvre, du bureau Miller-Thomson, estime cependant que les décisions de l’arbitre pourront être contestées. Son collègue Me Guy Gilain croit pour sa part que la création d’une Chambre de la construction « permettrait à l’appareil judiciaire de traiter beaucoup plus rapidement les dossiers de construction ».

L’Ontario et le Sénat canadien planchent également sur des projets de loi pour assurer des paiements plus rapides dans les contrats publics.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *