Que faire avec les tonnes et les tonnes de gypse en surplus des chantiers ?

Après deux rencontres entre plusieurs dizaines d’organismes et d’entreprises sous le nom de « table de travail sur le gypse », dont l’AQMAT, un plan d’action vient d’être déposé en vue de concevoir et d’implémenter un programme viable de recyclage de ce matériau tant utilisé, mais trop peu intégré à un cycle de réutilisation ou même de recyclage, d’où des impacts dans la nature…

Les objectifs poursuivis par la démarche pilotée par le Regroupement des récupérateurs et des recycleurs de matériaux de construction et de démolition du Québec (3R MCDQ) et initiée par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, consistent à assurer, sur un horizon ne dépassant pas trois à cinq ans, des débouchés locaux au gypse résiduel des chantiers, à stabiliser les approvisionnements pour que les entreprises de recyclage et celles de toute la chaîne soient profitables tout en ayant un impact sur la réduction des résidus ultimes envoyés à l’enfouissement.

Parmi les organismes participants, notons que Recyc-Gypse Québec soutient être en mesure de prendre l’ensemble de la production générée au Québec et que les débouchés existent déjà pour le papier et le gypse. L’entreprise à vocation sociale souligne même être en manque de matière présentement, car malheureusement, affirme Martin Ménard, expert-conseil en économie circulaire, « le gypse se retrouve dans les conteneurs à déchet…solution facile et plus économique ».

« Il s’agit maintenant, selon M. Ménard, de mettre en place un modèle d’affaires favorisant le développement durable qui incitera le recyclage du gypse par les contracteurs au lieu d’enfouir à 50-60 $ la tonne métrique dans la région de Montréal. »

Soutenir les filières de débouchés

La première grande conclusion du rapport est d’inciter les autres secteurs que l’agriculture à obtenir les autorisations requises pour faire usage de gypse recyclé. Les fabricants de panneaux de gypse et les cimentiers seront ici ciblés pour obtenir les certificats d’autorisation requis pour utiliser le gypse recyclé.

L’aide à se doter des infrastructures nécessaires pour assurer une utilisation optimale du gypse recyclé est également souligné. Il faudra évaluer auprès des utilisateurs de gypse les besoins d’équipement pour intégrer le gypse résiduel à leurs opérations.

L’une des dimensions du rapport qui nous interpelle réfère au chantier visant à établir l’écart de la valeur commerciale du gypse recyclé dans les différentes filières versus le gypse qui y est traditionnellement utilisé. Et si requis, compenser cet écart afin d’inciter ces secteurs à privilégier l’utilisation de gypse recyclé. Les fonds nécessaires pour combler cet écart pourraient provenir d’une Responsabilité élargie des producteurs, aussi connue sous l’acronyme REP. En d’autres mots, il s’agit ici de déterminer le prix que les différents utilisateurs de gypse seraient réceptifs à débourser pour du gypse recyclé et l’impact de ce montant sur toute la chaine de valeur du gypse neuf.

On ne peut non plus envisager le recyclage d’une feuille de gypse sans considérer le papier qui recouvre ce sous-produit du ciment. En effet, des démarches sont à prévoir auprès de recycleurs pour trouver des débouchés pour ce papier généré lors des opérations de conditionnement des panneaux de gypse. L’une des avenues est de l’utiliser comme intrant dans la fabrication de matériaux de construction.

Tri à la source

Dans un tout autre ordre d’idée, le rapport souligne l’importance d’informer, de sensibiliser et d’éduquer les entreprises de la construction/rénovation et celles de la démolition à ségréger le gypse sur chantier; idem pour les débris de gypse acheminés aux écocentres. Pour ce faire, la publication d’un guide de gestion des matériaux du secteur des CRD, dont le gypse, est envisagée.

Or, pour passer du rêve à la réalité, il faudra rendre disponible les équipements requis pour procéder au tri du gypse sur les différents chantiers de construction ainsi que dans les écocentres. Le rapport stipule avec raison qu’une telle idée mérite d’être validée auprès des acteurs du milieu si des équipements spécialisés doivent être développés ou améliorés pour atteindre les objectifs de tri.

Précisons qu’au départ, ce sont les débris de panneaux de gypse provenant des chantiers de construction neuve qui sont ciblés. Par la suite, étendre aux débris de gypse issus des chantiers de rénovation et de démolition en recourant à une main-d’œuvre entrainée pour retirer les panneaux de gypse dans les bâtiments.

Outils règlementaires

Sur le front financier ou réglementaire, l’application de coûts dissuasifs à l’enfouissement du gypse est la voie privilégiée par le comité. L’idée ici serait d’inclure le gypse dans la Stratégie de valorisation de la matière organique.

Le chat a fini par sortir du sac du comité avec la proposition de mettre en place une REP sur le gypse, c’est-à-dire de responsabiliser les fabricants et les réseaux de vente de panneaux de gypse.

À ce sujet, au nom des fabricants de gypse membres de l’AQMAT comme en celui des centres de rénovation, Richard Darveau insiste sur l’obligation d’un financement, « car, dit-il, le gypse recyclé présente une faible valeur eu égard au travail colossal à effectuer en amont pour éliminer les feuilles maculées, séparer le papier, et réintroduire un produit de seconde main dans un marché habitué au neuf ».

Mise en situation

Au Québec, depuis près de 15 ans, les débris de panneaux de gypse sont en partie recyclés par des entreprises comme Recycle Gypse, Gypse du Fjord et Recyclage Gypse Green, etc.

Essentiellement le gypse obtenu d’activités de recyclage a été destiné au secteur agricole où sont expédiées les quelques 10 000 à 20 000 tonnes qui sont récupérées annuellement.

Une étude réalisée à la demande de Recyc-Québec évalue à environ 200 000 tonnes par année la quantité de gypse résiduel provenant du secteur de la Construction, Rénovation et Démolition (CRD).

Au-delà de l’utilisation du gypse dans le secteur agricole, le gypse peut aussi être utilisé dans la fabrication de ciment et évidemment dans la fabrication de panneaux de gypse; mentionnons à ce sujet que deux manufacturiers de panneaux de gypse et quatre cimenteries sont en exploitation ici au Québec.

Il y a lieu de rappeler qu’au Québec quelques entreprises produisent aussi du gypse synthétique, un sous-produit dérivé de leur activité principale, également mis en marché dans les secteurs de l’agriculture, des cimenteries et de la production de panneaux de gypse.

Dernièrement, une problématique est apparue lorsque des lieux d’enfouissement technique (LET) utilisaient des fines de tamisage des centres de tri de débris de CRD comme matériel de recouvrement journalier et que la présence de gypse dans ces fines générait de l’hydrogène sulfuré, un gaz malodorant qui contamine les biogaz produits lors de la décomposition des déchets. Les LET ont ainsi cessé l’utilisation de ces fines pour lesquelles il n’y a pas d’autre usage connu.

Le 3R MCDQ s’active depuis plusieurs années à rechercher des marchés pour ces résidus et participe à la réalisation de projets en collaboration avec Recyc-Québec, dont celui, en 2017, sur la caractérisation de ces fines et plus récemment sur la validation d’équipements pour traiter ces fines en différentes fractions pour lesquelles des marchés devront être identifiés ainsi qu’un projet pour établir la faisabilité de traiter ces fines à l’aide d’installations centralisées dans quelques régions du Québec.

Ainsi considérant que c’est le gypse présent dans ces fines de tamisage qui a mené les LET à ne plus les utiliser, un projet a été réalisé afin de séparer directement sur chantier les débris de gypse, prévenant ainsi que le gypse soit reçu pêle-mêle avec les autres débris de construction traités dans les centres de tri; ceci fait en sorte que les fines seraient exemptes de gypse, ce qui aurait aussi comme bénéfice de réduire le tonnage de fines à gérer.

Aussi, lors du recyclage des panneaux de gypse, la pellicule de papier qui recouvre les surfaces du panneau est séparée du noyau de gypse et ce papier représente environ 10 % de la masse du panneau. De petits marchés utilisent ce papier, entre autres comme agent pour épaissir ou solidifier certains résidus pâteux et des boues. Par contre, ces marchés ne seraient pas en mesure d’absorber les quelques 20 000 tonnes de papier générées par le recyclage des 200 000 tonnes de gypse résiduel provenant du secteur des CRD.

One comment on “Que faire avec les tonnes et les tonnes de gypse en surplus des chantiers ?

  1. Normand Lortie on

    Le vrai problème avec les déchets de gypse sur les chantiers de construction sont causés par les installateurs ! Entre 20 a 25% du gypse livré se retrouve dans les vidanges ! Les installateurs comme les tireurs de joints sont payé selon la facture du fournisseur de gypse ! Plus y en de livré sur le chantier, plus c’est payant pour eux ! On devrait les taxer sur la différence de pieds carré réelle a installer versus ce qui est livré !

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