Le blogue de Richard: « Les commerçants et les fabricants ont eu deux ans pour se préparer ? C’est de la foutaise!»

En tant que président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT), je tiens à réagir au communiqué publié hier par l’Office de protection du consommateur (OPC) et où le ministre Simon Jolin-Barrette continue de soutenir une fausseté : les détaillants et les fabricants auraient eu deux années pour adapter leurs opérations à la Loi 29 et au règlement sur la garantie de disponibilité. C’est faux : ils n’ont eu que quelques semaines. Et les termes du règlement implémentant cette loi – par ailleurs nécessaire – doivent être réécrits afin de tabler sur des paramètres objectifs.

Je me dois de rappeler les faits en partageant d’abord le calendrier réel.

    • La Loi a été sanctionnée le 5 octobre 2023, et toutes les parties, incluant les associations de marchands, l’ont accueilli positivement, car personne ne souhaite que se transigent des articles qui vont aussitôt briser; cela entraîne des retours de marchandise, des réparations, une dégradation potentielle de l’expérience client.
    • Le 25 juin 2025, un règlement a été décrété pour préciser les obligations de divulgation, de délai et de prix « raisonnables » pour rendre les pièces/services/renseignements disponibles.
    • Le 16 juill. 2025, un autre Règlement est décrété, lié à la « garantie légale de bon fonctionnement » de certains biens et vient compléter la réforme.
    • Puis, il a fallu attendre au 5 septembre 2025 pour que l’OPC publie le détail des indications pour les commerçants et fabricants sur la façon de se conformer aux nouvelles obligations.

Concrètement, cela a laissé aux entreprises quelques semaines pour mettre en œuvre des systèmes, négocier avec fournisseurs, adapter les contrats, former le personnel, mettre à jour les plateformes en ligne, etc. Ou, à défaut, de s’abriter temporairement sous une forme d’exemption.

Maintenant, démontrons pourquoi une telle injonction est impossible à tenir.

Exiger qu’un détaillant modifie ses chaînes logistiques, commande des pièces, négocie des contrats d’approvisionnement, introduise de nouveaux processus informatiques, rédige ses divulgations légales, place des milliers de petits bouts de papier pour spécifier les pièces de rechange et les services de réparation applicables à 30 000, 40 000, 50 000 items différents dans son inventaire, puis forme le personnel, tout cela dans un laps de temps très court — est tout simplement irréaliste, même pour les entreprises les plus structurées.

Cette “surprise législative”, du moins cette grave lacune en communication de la part de l’OPC, prive les commerces d’une période de planification, de consultation ou d’adaptation progressive.

Mais le problème principal n’est pas lié à la trop courte période de temps, il se trouve dans les termes mêmes du règlement qui le rendent inapplicable par le niveau de risque qu’il fait courir sur les épaules du marchand et de ses fournisseurs.

En effet, le règlement est flou et ouvre la porte à des conflits d’interprétation lorsqu’il stipule que les pièces et le service de réparation doivent être offerts à un prix « raisonnable » pendant une période de temps « raisonnable », et que changer une pièce sur tout produit doit pouvoir être réalisé avec un outil qualifié de « couramment disponible ». Autant de qualificatifs qui ne veulent rien dire.

Le règlement embrasse trop large en indiquant que les biens visés sont ceux qui peuvent nécessiter un entretien, une réparation ou une mise à jour, peu importe leur prix d’achat, leur provenance, etc.

Or, pour une seule infraction, le marchand peut être sanctionné à hauteur de 3500 $ par jour. Il s’expose en plus à des poursuites pénales pouvant atteindre l’équivalent de 5 % de son chiffre d’affaires.

L’exemption doit être une auto-défense temporaire

Dans un tel contexte, il faut que le gouvernement comprenne que les marchands choisiront la prudence et se réfugieront sous l’option prévue dans la loi de s’exempter.

La seule façon pour un commerçant ou un fabricant de s’exempter de la garantie de disponibilité est d’avertir le consommateur par écrit, avant la conclusion d’un contrat, qu’il ne fournit pas de pièces de rechange, de services de réparation ou de renseignements nécessaires à l’entretien ou à la réparation du bien visé par le contrat.

En écrivant ce mot d’ordre, on comprend qu’on vient, malgré nous, couper l’herbe en dessous du pied de la portée de la Loi 29, soit de garantir aux consommateurs un meilleur accès à la réparation des biens qu’ils se procurent.

Qu’il soit clair que TOUT marchand veut servir optimalement ses clients. Permettons que cela arrive sans que personne de bonne foi ne perde sa réputation, sinon son entreprise.

Mais où est donc Denis Marsolais? 

Je suis fasciné par l’absence du président-directeur général de l’OPC dans le communiqué et dans toutes tentative de notre part ou des journalistes d’obtenir ses explications. Le ministre Simon Jolin-Barette est cité dans le communiqué de l’OPC, mais le principal concerné, le patron de l’OPC, ne dit pas un mot et semble introuvable.

En janvier 2022, il a pris les commandes de la Société d’assurance automobile du Québec et a lancé la plateforme SAAQclic qui devait s’avérer un fiasco, si bien que le Conseil des ministres le releva de ses fonctions en avril 2023. Malgré ses inaptitudes démontrées, il est nommé à la tête de l’OPC en février 2024.

Et on connaît la suite : une gestion de projet bâclée. Dans les deux cas.

L’OPC et le ministre de tutelle tentent de faire porter le chapeau d’âne aux marchands alors que le ver est dans la pomme. Nous ne pouvons être les boucs émissaires d’un règlement mal écrit. Le gouvernement doit reconnaître que sa planification est déséquilibrée.

Nos attentes

Nous demandons au gouvernement d’admettre que le délai imposé rend le règlement inapplicable compte tenu de l’ampleur des obligations, donc on se doit de reporter son application de six mois.

Nous demandons au ministre de la Justice de profiter de ce délai pour réunir toutes les parties et convenir de paramètres objectifs qui ne pourront mettre à risque les marchands et les fabricants de bonne foi.

Le mot « raisonnable » doit être remplacé par des termes objectifs qui cadrent le prix des pièces de rechange et du service de réparation et la durée pendant laquelle ils doivent être rendus disponibles. On voit par exemple, dans d’autres législations, qu’on a convenu de plafonds de pourcentage par rapport à la valeur à neuf d’un article pour établir le montant maximal d’une pièce de rechange ou d’une réparation.

L’ajout règlementaire du 16 juillet 2025 est venu fixer des durées de garantie et d’accès aux pièces pour quelques catégories de produits, dont les automobiles et les électroménagers. Il aurait fallu poursuivre ce travail plutôt que de laisser à l’arbitraire tous les autres biens de consommation.

On doit s’inspirer des législations les plus progressives qui ont reçu l’aval des commerces. Par exemple :

  • le « Right to Repair » en Union européenne limite les catégories de produits plutôt que de s’étendre tous azimuts, édite un formulaire universel de réparation que le consommateur peut utiliser dans un délai de 30 jours après son achat, propose une plateforme pour aider les consommateurs et les marchands à trouver des ateliers de réparation, impose une garantie légale d’un an si le consommateur choisit la réparation plutôt que le remplacement, etc.;
  • la France propose un indice de réparabilité et de durabilité afin d’informer le consommateur sur les risques plus grands qu’il accepte de prendre en achetant un produit bas de gamme;
  • au Royaume-Uni, on a limité à deux ans le délai pour rendre disponibles les pièces de rechange;
  • la Californie a choisi de fixer à 3 ans l’accès à la documentation, aux pièces et aux outils pour réparer tout article pour les produits vendus à moins de 100 $ et à 7 ans pour les autres.

Nous militerons pour que l’obligation de réparer s’applique aux produits ayant déjà des exigences de réparabilité reconnues, tout en excluant les catégories non standardisées afin d’éviter une insécurité juridique pour les marchands.

Nous demanderons qu’une période de transition soit fixée, avec une tolérance réglementaire en phasage par catégories de produits.

Nous souhaiterons étendre les discussions sur la question capitale du dumping de produits éphémères que laissent entrer nos gouvernements dans ce pays et qui contrecarrent les objectifs de la Loi 29 bien en amont des transactions en magasin.

Enfin, nous insisterons pour que la propriété intellectuelle des fabricants soit protégée, afin que les nouvelles règles n’autorisent pas la divulgation — volontaire ou non — de secrets de fabrication, ni le contournement des dispositifs anti-vol.

L’AQMAT est prête à engager un dialogue sincère avec notre industrie pour ajuster le calendrier de mise en œuvre et les modalités de conformité, afin d’éviter des perturbations majeures pour l’offre de pièces et services au bénéfice du consommateur. Et à la clé, tous offrir des produits dont la qualité s’améliore avec un service après-vente à l’avenant.

 

 

One comment on “Le blogue de Richard: « Les commerçants et les fabricants ont eu deux ans pour se préparer ? C’est de la foutaise!»

  1. Jérémie Mottard on

    Je suis tout à fait en accord avec les propos de cet article. Dans le contexte économique actuel, cette nouvelle loi vient ajouter des bâtons dans les roues aux commerçants comme nous. Je comprends et soutiens l’idée de lutter contre l’obsolescence programmée, surtout pour des produits comme les climatiseurs, les outils, les électroménagers, etc. (Qui sont normalement couverts par une garantie du fabriquant) Mais il faut aussi tenir compte du comportement des consommateurs : avec la hausse du coût de la vie, ils se tournent de plus en plus vers des produits d’entrée de gamme, souvent moins durables.

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