Auteur : Anay
À quand la semaine de l’employé entreprenant?
En cette Semaine de la PME, je me suis tapé une méga revue de presse sur la thématique pour m’apercevoir que l’employeur et les patrons ne profitaient jamais de ce « festival » pour célébrer leur force de travail, et en particulier la plus innovatrice, la plus débrouillarde, la plus engagée.
Mouvements sur l’échiquier
Depuis le fameux mouvement des plaques tectoniques, survenu il y a trop de millions d’années pour que je m’en souvienne, tellement j’étais petit, je ne me souviens pas d’avoir assisté à une semaine aussi mouvementée. Tellement de choses ont changé de place.
TimBR-Mart qui gobe la division quincaillerie de CanWel. RONA qui avale TruServ. Noble, la division du marché professionnel de RONA acquiert Don Park, le leader ontarien en chauffage, ventilation et climatisation.
Au début, il y a 280 millions d’années, on a appelé le phénomène la grande dérive des continents. Puis les scientifiques ont trouvé plein de bon sens dans cette théorie. Les notions de convergence et de divergence, même de collisions, sont apparues sous un jour plus positif quand les observateurs ont conclu que la Terre, comme on la connaît et qu’on l’apprécie, n’aurait jamais été ainsi sans ces grands bouleversements.
Ainsi, Winnipeg, qui a vu naître TimBR-Mart et qui était toujours le siège de l’empire TruServ, voit se déporter vers Boucherville une partie de ses activités alors que la Colombie-Britannique, hôtesse de CanWel, perd aux mains de l’Alberta, nouvelle terre d’accueil de TimBR-Mart. Puis la licence canadienne de ACE change aussi de mains et de ville.
Étourdissant!
Les cinq continents continuent aussi de se déplacer, à une vitesse estimée à 100 millimètres par an. À ce rythme, il faudra 430 millions d’années pour qu’ils convergent de nouveau, et se réunissent. Un supercontinent se formerait alors.
Nos géants continentaux de la quincaillerie et des matériaux ont démarré leurs mouvements plus tard que la Terre, mais semblent bouger plus vite.
Assisterons-nous, de notre vivant, à la création d’une seule méga bannière qui, forcément, par la suite, recommencera à se morceler?
Le bois fédérateur
Dernier à prendre la parole mardi soir devant toutes les grosses pointures politiques et économiques de la Côte-de-Beaupré et de l’Ile d’Orléans, j’ai pu me rendre compte à quel point le bois, une année après la création de la Coalition BOIS Québec, était devenu rassembleur. Toute couleur politique, écolos comme gens d’affaires, le monde s’est rallié derrière l’idée de redonner à ce matériau sa juste place.
C’était beau à voir et à entendre, parce que rare, l’unisson avec lequel la chef de l’Opposition officielle autant que les députés du parti au pouvoir à Québec ainsi que les députés des formations fédérales, sans oublier les maires et préfets des deux régions limitrophes, les présidents des deux chambres de commerce et les responsables de la défense de l’environnement, tous étaient unanimes à célébrer les vertus de la matière ligneuse.
Chacun, cependant, y allait de son argument propre, en fonction de ses intérêts ou de ceux de ses commettants. Qui de l’importance d’aider nos travailleurs de la forêt ou des produits transformés, qui de la contribution de l’arbre, même devenu du bois de démolition, à la lutte aux gaz à effet de serre, qui de l’apport du bois à notre qualité de vie pour ses propriétés esthétiques ou acoustiques.
Coiffant une longue série d’allocutions, il m’a fallu porter à la fois mon chapeau de représentant de l’industrie de la quincaillerie et des matériaux de construction et celui de vice-président de la Coalition pour exposer à toutes ces bonnes gens que somme toute, il nous faut maintenant prouver que l’usage du bois est rentable si on veut que le propriétaire résidentiel, l’entrepreneur professionnel en construction de maisons, l’architecte, le fonctionnaire chargé de chantiers institutionnels puissent passer de la belle parole à l’acte.
Rentable à long terme, bien sûr, car la durabilité et le « fait au Québec » ont leur prix pour les acquérir…
L’affaire du bois
La Coalition BOIS Québec a un an. Ça fait moins la manchette que l’affaire (Claude) Dubois, débité à la hache par la critique et les téléspectateurs. Ca fait moins de bruit aussi que le départ de Guy Chevrette de la direction du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ). N’empêche, le boulot de communication de masse qu’abat l’organisme, maintenant enrichi de semences de démarchage sur le terrain, donne déjà de prometteuses fleurs : Ultramar et Tim Horton ont été les premières chaînes marchandes à s’engager à privilégier le bois pour les structures de leurs prochains établissements au Québec. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’une de nos bannières de centres de rénovation emboîte le pas…
L’approche de la Coalition se situe aux antipodes de la télé-réalité de Dubois ou de l’emporte-pièce qui a caractérisé le style de monsieur Chevrette au nom de l’industrie forestière. Les deux contribuent pour rien au réchauffement climatique. A contrario, la Coalition, fruit consensuel, affiche des qualités semblables à la gestion de nos forêts aujourd’hui, qui tranche tant avec les coupes à blanc du 20e siècle, aussi puissantes que destructrices…
La Coalition travaille dans la durée. En cela, elle représente un atout maître dans la lutte aux gaz à effet de serre. La ministre Nathalie Normandeau l’a compris en prenant le siège du pilote de la Stratégie d’utilisation du bois dans la construction au Québec.
Avec l’arrivée de Me André Tremblay au CIFQ, on peut croire que papetières et grandes scieries, ces nécessaires partenaires, occuperont la place qui leur revient au sein de la grande Coalition BOIS.
Provoquer autrement
Déjà un triste anniversaire, le 11 septembre a rallumé les passions avec l’intention d’un pasteur américain de brûler des exemplaires du Coran. Cela alors que les musulmans célébraient la rupture du ramadan, leur jeûne.
La violence qui engendre la violence serait donc un proverbe fondé. Échafaudé en fait sur de l’information nivelée au plus bas et véhiculée grossièrement des deux côtés. Les musulmans deviennent ainsi tous des terroristes, les Américains, eux, des esprits obtus. Des extrêmes dépeints unidimensionnellement.
Extrapolons sur le thème de la provocation pour verser dans la discrimination, cette fois, positive.
L’AQMAT vient d’embaucher une musulmane. Par conviction, elle porte le voile. En faveur de l’ouverture culturelle, notre organisation veut s’inscrire dans le mouvement contraire à celui de l’intolérance, dominé par une culture de la peur.
Et si l’ignorance et le manque de dialogue étaient plus menaçants pour notre sécurité et notre prospérité que notre emprisonnement dans des clichés?…
Le parcours de Bouchra − qui a choisi le Québec il y a deux mois − est miné d’avance. Elle sentira la résistance, la sienne comme celle de toute la société. L’échec en tout cas est inexorablement évité parce que, quoi qu’il arrive de sa présence à l’Association, l’essai en soi, de part et d’autre, réduit déjà le fossé entre ce qu’elle transporte comme valeurs et les nôtres.
Le monstre apprivoisé
Le 27 août, on a battu des records de chaleur. Pas dehors, dedans. Dans les salles de négo. C’était le jour où tout le Québec a lancé un grand « ouf! » de soulagement. Une entente de principe venait d’intervenir entre les parties patronale et syndicale du vaste monde de la construction, incluant le secteur résidentiel.
Maintenant, on se croise les doigts pour que le message descende positivement jusqu’aux bases des cinq associations syndicales constituant l’Alliance, laquelle recommande la ratification de l’accord afin qu’une convention triennale, échue depuis le 30 avril, entre en vigueur à partir du 31 octobre.
Si les chantiers résidentiels avaient été paralysés, on aurait tous écopé. Alors réjouissons-nous du miracle.
Je pèse mon mot à odeur de magie parce qu’à y réfléchir un peu, quelle bête tentaculaire que cette industrie à maîtriser! Presque 85 % des entreprises qui la composent ont moins de cinq salariés. Ceux-ci doivent être mobiles plus que tout autre travailleur, et non seulement les chantiers ont toujours une durée limitée, ils surviennent inégalement dans l’année, se concentrant sur les mois doux. La pire difficulté tient sans doute au fait que les chantiers de réno se réalisent dans des environnements vivants, où tout bouge et interagit : résidents, automobilistes, patients, élèves, etc.
Ce n’est pas une industrie comme les autres non plus parce que les travailleurs sont tous syndiqués, fait unique, complexifié par une concurrence parfois féroce entre cinq centrales. Leurs vis-à-vis patronaux n’affichent pas un front plus simple puisqu’ils sont quatre, soit l’ACQ et l’APCHQ, en plus de l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec et l’Association des entrepreneurs en construction du Québec.
Je salue les uns et les autres qui ont eu la brillante idée de s’unir pour ne former que deux blocs, chacun représenté par un seul porte-parole. La présidente du conseil d’administration de l’AQMAT parle ce mois-ci dans le magazine Quart de Rond de la solidarité qui peut conduire à de grands résultats. En voilà une belle démonstration.
Avocasseries et tabous
Maître Bastarache, sur son arbre perché, malgré l’armada à sa disposition et la carte de crédibilité qui le précède, doit manœuvrer tout en courbes et en nuances et en zigzags, déposant un jeté ici sur l’expression trop criarde « enquête sur l’industrie de la construction », censurant là où une allusion excéderait le strict examen de la nomination des juges.
Maître Bellemare, déchiré entre une nature de justicier populaire et la peur raisonnable d’être attaqué pour diffamation et finir dans le box, use de bémols, s’astreint à un flegme frisant l’emprunt quand on connaît son caractère, histoire de conjurer la portée de ses demi-affirmations.
Nous, non-avocats, en serons quittes pour assister à la victoire de la technique et de la procédure. Pour la vérité vraie, on repassera.
N’empêche, l’exercice n’aura pas été futile. Car si tant est que le politique n’aurait pas respecté la sacro-sainte règle de la séparation des pouvoirs élevée au statut d’intouchable depuis 1789 dans nos démocraties, les années à venir, peu importe le parti au pouvoir, couleront assainies.
Histoire sans fin
Après l’ode à l’effort la semaine dernière, où je vénérais l’art de cheminer plutôt que d’aboutir, le chagrin m’habitant presque depuis l’atteinte du sommet du Kilimandjaro, vécu comme une petite mort, voilà que je vire capot.
Depuis 3 h 58 et 4 h 10 ce matin, je suis grand-père. L’arrivée des jumeaux Édouard et Elliot vient redonner toute noblesse à l’idée de rendre un projet à terme. Ipso facto, la notion de destination devient belle. Souhaitée, même.
Concevoir, élaborer, avancer demeurent louables, de toute façon inévitables, pour qui veut accoucher. Mais qu’est-ce que la mise au monde sinon qu’une fin et un début?
J’ai donc erré, mon postulat étant faussé : toujours on arrive et tout le temps on repart.
Quand la montagne ne vient pas à soi…
Atteindre le sommet du Kilimandjaro, comme je l’ai fait ce 30 juillet, est satisfaisant, certes. Pas plus cependant que le parcours de six jours pour s’y rendre. À moins d’être seulement motivé par la fin des choses.
Des heures et des jours, même une nuit, à ne faire que monter et monter encore cette accessible − mais toujours repoussée − cime finit par devenir une activité qui se confond avec le but.
Jamais je n’ai ressenti autant de satisfaction à vivre le moment présent que lors de l’ascension constante de la « Montagne de Dieu » − au sens swahili du mot « kilimandjaro ». Marche rarement dérangée par des efforts ou des risques démesurés. Cadre favorable à l’introspection. Impression forte que c’est la montagne qui vient à soi.
Plus la pente s’accentue, plus le mercure, lui, descend. La barre des 20 000 pieds d’altitude s’approche au rythme en escalade des tempes proches du bouton « panique ». La dernière nuit de montée restera celle où les ressources sont toutes sollicitées. On est alors heureux de ne pas voir au-delà du rayon d’un mètre de la lampe frontale parce que les silhouettes aperçues font deviner des marcheurs zombies ou saignant du nez ou des oreilles.
Arrive la libération avec les premiers jets du nouveau jour. Le glacier jure sur l’Afrique noire. Je devrais me sentir bien, délivré. Je le suis. En même temps, la perte de l’effort obligé, du travail de galérien, me chagrine. Je m’en ennuie déjà, j’y étais habitué.
Sisyphe aura été un mythe et j’y aurai cru. Une semaine. Éternelle.