Une découverte archéologique explique pourquoi le béton romain peut durer deux millénaires

Une équipe internationale de chercheurs vient de révéler un chantier de construction romain figé depuis l’éruption du Vésuve en l’an 79, incluant amas de matériaux, outils et matériaux pré-mélangés pour faire du mortier et du béton.

Contrairement à ce que décrivaient les traités anciens (comme De Architectura de Vitruve), les Romains n’attendaient pas que la chaux vive soit complètement éteinte avant de fabriquer leur béton. Au lieu de cela, ils mélangeaient directement la chaux vive (CaO) avec des cendres volcaniques (pouzzolane) et des granulats secs, puis ajoutaient de l’eau. Cette opération déclenchait une réaction exothermique, c’est-à-dire qui dégage de la chaleur, créant un « béton chaud » dans sa phase de fabrication.

Ce procédé, appelé hot-mixing, provoquait la formation d’inclusions de chaux (petites zones riches en calcium) dans le matériau. Ces inclusions sont aujourd’hui considérées comme un des facteurs clés de la durabilité exceptionnelle du béton romain : plutôt que de s’effriter, le matériau continue à réagir chimiquement avec l’eau au fil du temps et peut « auto-réparer » de petites fissures.

Des preuves directes sur le site de Pompéi

Les archéologues ont mis au jour des piles de matériaux pré-mélangés, prêts à l’emploi, dont l’analyse microstructurale montre une grande similarité avec les mélanges observés dans les murs construits avant l’éruption. Cela confirme que le procédé n’est pas une hypothèse théorique mais une technique largement utilisée sur le chantier.

Les chercheurs ont aussi identifié des réactions autour des agrégats volcaniques indiquant une activité chimique continue, même des siècles après la mise en œuvre. Ces réactions contribuent au développement de nouvelles phases minérales qui renforcent le lien entre matrice et granulats, améliorant la durée de vie du béton.

 Que peut-on apprendre pour le béton moderne ?

  1. Durabilité accrue par activation chimique
    Le « hot-mixing » romain exploite l’énergie chimique du mélange pour créer des structures minérales stables et réactives. Pour les fabricants modernes, cela suggère que maîtriser la chimie interne du béton, au-delà du simple dosage de Ciment Portland, peut améliorer la longévité des ouvrages.
  2. Auto-réparation des fissures
    Les inclusions de chaux agissent comme des réservoirs de réactivité. Lorsqu’une fissure apparaît et qu’elle est exposée à l’eau, ces zones peuvent réagir et combler partiellement le défaut. L’exploitation moderne de ce principe — par exemple via des agents minéraux réactifs ou des microcapsules — pourrait réduire les coûts d’entretien.
  3. Inspiration pour des liants plus durables
    Plutôt que de copier à l’identique les recettes antiques, l’objectif est de transposer les mécanismes clés (chaleur de réaction, pouzzolanes actives, interactivité chimique durable) dans des formulations à faible empreinte carbone et haute performance.

L’étude du béton romain à Pompéi ne se limite pas à un intérêt historique : en comprenant comment les anciens maximisaient la réactivité et la durabilité de leurs matériaux, les fabricants d’aujourd’hui peuvent s’inspirer de ces mécanismes pour concevoir des bêtons plus durables, plus résistants et plus aptes à l’auto-réparation, répondant ainsi aux défis actuels de maintenance, de durabilité et d’empreinte environnementale.

L’article scientifique assez touffu en informations est accessible ici en anglais.

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