Hier, le quotidien Le Journal de Québec annonçait que le gouvernement du Québec s’apprête à élargir le projet pilote autorisant les commerces non alimentaires à prolonger leurs heures d’ouverture à partir de mars 2026. Le projet, lancé initialement en octobre dans trois villes — Gatineau, Laval et Saint‑Georges‑de‑Beauce — permettait aux commerçants volontaires d’ouvrir jusqu’à 20 ou 21 h les fins de semaine.
Selon le ministre délégué à l’Économie, l’idée derrière cette mesure est de donner « plus de flexibilité aux entreprises pour s’adapter à leur clientèle » — une forme de déréglementation jugée nécessaire pour que le commerce de détail québécois demeure compétitif.
Si certains acteurs du secteur, notamment de la grande distribution ou des centres commerciaux, saluent l’initiative : elle pourrait leur permettre de mieux répondre à la demande et d’augmenter les ventes, notamment en période de magasinage intensif, la direction de l’AQMAT continue d’exprimer son opposition à une telle approche.
« Permettre d’ouvrir plus longtemps par exemple pendant la période des Fêtes peut être une idée recevable, mais autoriser les commerces à ouvrir encore plus d’heures, c’est creuser leur tombe », affirme Richard Darveau, président de l’AQMAT, qui rappelle des évidences : « Le budget disponible des consommateurs pour une rénovation ou une construction n’augmente pas parce que leur quincaillerie ouvre plus longtemps. Et je ne connais aucun marchand qui m’a déjà dit : j’ai perdu une vente parce que Amazon ouvre 24 h/7 jours. »
Pour le gouvernement, ces projets pilotes constituent une approche mesurée car la participation est volontaire. Sur ce point aussi, M. Darveau exprime des réserves : « Si un magasin concurrent se met à ouvrir un samedi soir, c’est dur de ne pas suivre. Les deux vont alors augmenter leurs coûts d’opération, notamment en salaires et en risques de pertes, sans que le revenu supplémentaire compense ces frais ».
Dans un texte intitulé « Fermeture à une plus grande ouverture », le porte-parole de l’AQMAT avait déjà déclaré à l’été 2025 que l’heure est plutôt à « ouvrir moins, mais à ouvrir mieux ». Le constat est clair : selon l’AQMAT, prolonger les heures d’ouverture ne rime pas avec un meilleur service, mais plutôt avec une dégradation potentielle de l’expertise en magasin — surtout dans des commerces spécialisés comme les quincailleries.
Le porte-parole de l’AQMAT continue de marteler qu’avec la rareté de la main-d’œuvre, la hausse des coûts et les attentes élevées des clients en matière de conseil technique, les commerces ne peuvent pas se permettre d’étirer les heures sans compromettre la qualité du service.
Rappelons un sondage commandé par l’AQMAT auprès de consommateurs montrant que 63 % préfèrent que les quincailleries ouvrent moins longtemps en échange d’un personnel qualifié en tout temps — plutôt que de conserver un horaire étendu sans garantie de service adéquat.
Pour l’AQMAT, le débat n’est pas tant une question d’heures d’ouverture que d’équilibre entre qualité de service, conditions de travail et viabilité des commerces physiques de proximité.
Si le projet pilote va de l’avant, il pourrait bien marquer un tournant pour le commerce de détail québécois — mais pas forcément dans le sens du progrès pour tous, croit le président de l’AQMAT : « Mieux vaut un horaire modeste — mais un service de qualité — qu’une ouverture maximale aux dépens des employés, des clients et des petits commerçants ».


