Hier, Tony Lévesque, vice-président ventes et développement chez OSBLOCK a fait parvenir une lettre aux médias qui dénonce la bureaucratie au Centre canadien des matériaux de construction (CCMC). Nous en reproduisons de larges extraits.
Innovation bloquée : quand le système canadien empêche ses propres entreprises de bâtir mieux
« Le Canada traverse une crise du logement sans précédent. Face à cette urgence, le gouvernement fédéral multiplie les programmes ambitieux – Maison Canada, Accélérateur de logements, Habitation durable – pour accélérer la construction résidentielle et répondre à la pénurie nationale.
Mais derrière ces annonces, un constat s’impose : notre système ne privilégie que la vitesse au détriment de la performance.
Imaginez que, pour résoudre la crise du transport, on décide de produire davantage de gros VUS parce qu’ils sont plus rapides à assembler, au lieu d’investir dans des véhicules petits, efficaces et durables. Résultat : nous construisons plus vite, mais pas mieux, alors qu’il est possible de faire les deux. Et surtout, nous continuons à reproduire les mêmes inefficacités énergétiques et structurelles qui ont mené à la crise actuelle.
Un obstacle systémique : le Centre canadien des matériaux de construction (CCMC)
Au cœur de ce problème se trouve un organisme méconnu du grand public : le Centre canadien des matériaux de construction (CCMC). Chargé de certifier les nouveaux produits de construction, le CCMC devrait être un moteur d’innovation. Pourtant, il agit depuis des années comme un frein administratif majeur : procédures lentes, opaques et rigides, délais de plusieurs années, communication quasi inexistante avec les entreprises.
De nombreuses PME canadiennes développant des solutions novatrices – blocs structurels isolés, panneaux composites, systèmes modulaires – se heurtent à un mur : sans certification, pas d’accès au marché public.
Pendant ce temps, les Etats-Unis avancent
Face à ces blocages, plusieurs fabricants canadiens se tournent vers l’ICC (International Code Council), l’équivalent américain du CCMC. Le contraste est frappant : processus clair et rapide, communication ouverte avec les ingénieurs évaluateurs, délais prévisibles, et surtout, une réelle volonté de faire avancer les projets. L’ICC a même ouvert une filiale canadienne (ICC-ES Canada) pour offrir ici le service que le CCMC devrait normalement rendre.
Paradoxe : pour être reconnu au Canada, un fabricant canadien doit désormais passer par une institution américaine. Cette situation contredit les discours politiques sur la souveraineté industrielle et la volonté de réduire notre dépendance envers les États-Unis. Nos innovations doivent être “validées par le Sud” pour être autorisées au Nord.
Des conséquences concrètes : exclusion et frein environnemental
Ce manque de reconnaissance officielle empêche directement les entreprises québécoises et canadiennes de participer aux programmes de construction financés par le gouvernement. Les ingénieurs, architectes et décideurs publics ne peuvent recommander que des produits portant une attestation canadienne officielle.
Conséquence : des solutions performantes, plus rapides à mettre en œuvre, plus durables et plus écologiques sont systématiquement écartées.
Paradoxalement, la plupart des produits les plus prometteurs sur le plan environnemental – ceux qui réduisent la consommation d’énergie, l’empreinte carbone et les déchets – sont justement ceux que le CCMC bloque par lenteur ou rigidité.
Chez OSBLOCK, par exemple, notre innovation vise à remplacer le bois par des plastiques orphelins récupérés, autrement destinés aux sites d’enfouissement. Une avancée qui pourrait transformer un déchet en ressource, tout en diminuant la pression sur les forêts. Mais chaque amélioration environnementale exigera de recommencer le processus complet de certification, rallongeant encore le délai avant la reconnaissance officielle. Pendant ce temps, les produits traditionnels, moins performants et plus polluants, continuent d’obtenir la voie rapide.
Le Grand Nord, encore oublié
Cette situation est particulièrement dramatique pour les projets du Grand Nord, où les besoins en logements durables et faciles à construire sont criants. Plusieurs entreprises canadiennes proposent des systèmes légers, isolés et simples à assembler, permettant aux communautés locales de participer directement à la construction et de gagner en autonomie. Mais faute de certification du CCMC, ces solutions ne peuvent même pas être considérées dans les appels d’offres fédéraux ou provinciaux. Ainsi, le Canada investit des milliards dans des constructions standardisées et inefficaces, pendant que ses propres innovations, parfaitement adaptées au climat et aux besoins locaux, demeurent exclues des programmes publics.
Un enjeu collectif, pas un cas isolé
Nous ne sommes pas seuls. D’autres entreprises québécoises et canadiennes vivent exactement le même parcours : des produits testés, validés scientifiquement, mais bloqués par un système administratif qui ne suit plus la réalité de l’industrie. Il serait facile pour vos équipes journalistiques de recueillir d’autres témoignages d’entrepreneurs, d’ingénieurs et d’inventeurs qui, comme nous, ont dû se tourner vers les États-Unis pour faire reconnaître leurs innovations canadiennes. Ce n’est pas un problème d’entreprise : c’est un problème de système.
Conclusion
Le Canada possède les technologies, le savoir-faire et la créativité pour bâtir mieux, plus vite et plus vert. Mais tant que nos institutions continueront de favoriser la conformité au détriment de la performance, nous continuerons à construire des “gros VUS polluant du logement” : rapides à produire, mais inefficaces et coûteux à long terme.
Il est temps d’ouvrir les yeux sur un système qui, sous couvert de prudence, empêche nos entreprises d’innover, freine la transition écologique et prive nos communautés d’autonomie. Ce dossier mérite d’être porté à la connaissance du public, non pas pour blâmer, mais pour réformer – et redonner à l’innovation canadienne la place qu’elle mérite. »


