Le premier budget du gouvernement Carney, présenté par le ministre des Finances François-Philippe Champagne, mise clairement sur une relance par l’investissement, malgré un déficit en hausse. Pour bien comprendre sa portée, il faut se concentrer sur les secteurs qui touchent directement la vie de nos entreprises : le logement, les PME locales, le commerce de détail et la fabrication canadienne. Dans ces domaines, le budget 2025 trace une orientation : intervenir pour renforcer la capacité du pays à produire, à loger et à soutenir ses communautés économiques.
1- Habitation : accélérer la construction, mais surtout repenser le logement social
L’accès à un logement abordable reste l’une des préoccupations les plus pressantes au pays. La crise n’est plus seulement une question de prix, mais de disponibilité : trop peu de logements, trop lentement construits, dans des milieux urbains qui étouffent.
Le budget fédéral 2025 répond à cette réalité par un investissement massif en infrastructures, notamment par la création d’un fonds national de 51 milliards sur 10 ans. Une partie de cette enveloppe ne vise pas directement la construction résidentielle, mais elle permet de financer les réseaux, les transports, la densification et les équipements collectifs qui rendent les nouveaux logements possibles.
Autrement dit : on investit dans ce qui entoure le logement, afin de réduire les obstacles municipaux (transport, eau, égouts, écoles, etc.) qui freinent la construction.
Mais qu’en est-il du logement social ?
C’est ici que le débat devient crucial.
Le budget Carney reconnaît le besoin d’augmenter l’offre, mais ne propose pas de programme massif spécifique pour le logement social à but non lucratif, qui constitue pourtant l’un des leviers les plus efficaces pour redonner de l’abordabilité réelle à long terme.
Le financement structurel via la Banque de l’infrastructure du Canada peut soutenir :
- des projets coopératifs;
- des modèles de logement communautaire;
- des développements municipaux à vocation sociale.
Mais seulement si les municipalités et organismes locaux disposent de la capacité administrative pour déposer et piloter ces projets.
Autrement dit, l’argent est là, mais il faudra des porteurs solides.
Pour les groupes d’habitation sociale, les municipalités et les OBNL, le message est clair : c’est le moment de se regrouper, planifier, déposer des projets structurés et négocier des ententes longues durées.
Le gouvernement ouvre la porte, mais il ne franchira pas le seuil seul.
2- Le secteur manufacturier : la « superdéduction » comme déclencheur d’investissement
L’autre annonce majeure du budget est la nouvelle superdéduction fiscale destinée au secteur manufacturier. Les entreprises qui construisent ou modernisent des bâtiments destinés à la production pourront amortir immédiatement et entièrement leur investissement.
Ce n’est pas une mesure symbolique : c’est un outil puissant, qui peut changer le moment où une PME décide d’agrandir son usine, de robotiser, de relocaliser une chaîne de fabrication ou de racheter son équipement vieillissant.
Pourquoi est-ce stratégique maintenant ?
Parce que le Canada souffre d’un déficit chronique de productivité : les entreprises fabriquent, mais pas toujours avec les technologies les plus efficaces. Moderniser, c’est :
- produire plus avec moins d’énergie;
- réduire la dépendance aux importations;
- raccourcir les chaînes d’approvisionnement;
- offrir des produits locaux à des prix plus compétitifs.
Ce dernier point touche directement l’achat local et le commerce de détail : plus les fabricants régionaux sont performants, plus les détaillants pourront offrir du local à un prix accessible, ce qui favorise la fidélité des consommateurs.
Cette mesure bénéficie particulièrement aux entreprises intermédiaires et familiales, qui constituent la majorité du secteur manufacturier québécois et canadien.
3- PME et commerce de détail : adaptation et résilience
Le commerce de détail traverse une période délicate : coûts d’exploitation en hausse, concurrence du commerce électronique, pénurie de main-d’œuvre, loyers commerciaux élevés. Le budget fédéral ne propose pas de programme central dédié à ce secteur, mais plusieurs mesures auront des effets indirects significatifs.
Moins de travailleurs temporaires : des enjeux pour les PME.
La réduction annoncée des admissions de résidents temporaires à partir de 2026 vise à mieux planifier l’intégration des nouveaux arrivants.
Cependant, pour les commerces et PME qui dépendaient de ces travailleurs, cela risque de resserrer davantage le marché du travail.
Ce changement accentue :
- l’urgence d’améliorer l’attractivité des emplois (conditions, horaires, formation);
- la nécessité d’investir dans l’automatisation et les outils numériques;
- l’importance de fidéliser les employés existants.
Mais il y a un point positif majeur : les corridors commerciaux.
Le Fonds des corridors commerciaux (5 milliards sur 7 ans) vise à améliorer le transport des marchandises vers les marchés.
Pour les détaillants et distributeurs, cela signifie :
- moins de ruptures de stock
- des délais plus courts
- des coûts logistiques potentiellement réduits
Dans un contexte où chaque semaine d’approvisionnement peut faire la différence sur les ventes saisonnières ou sur l’image d’un produit local, ce n’est pas anodin.
4- Achat local : enfin une conjoncture favorable
L’un des effets les plus intéressants du budget est peut-être l’alignement stratégique qu’il crée, volontairement ou non, autour de l’économie locale.
Trois dynamiques convergent :
| Élément | Impact sur l’achat local |
| Superdéduction manufacturière | Plus de production locale, plus d’options canadiennes pour les détaillants. |
| Fonds d’infrastructure | Développement de milieux de vie où les commerces locaux deviennent des pôles d’attraction. |
| Diversification des corridors commerciaux | Meilleure circulation des produits régionaux vers les marchés urbains. |
Pour les organisations qui promeuvent l’achat local et la fabrication certifiée canadienne, comme Bien fait ici, c’est le moment idéal pour intensifier la sensibilisation des consommateurs et des détaillants.
Il ne s’agit plus seulement de convaincre par principe, mais de démontrer :
- des retombées économiques concrètes;
- une compétitivité améliorée;
- un impact direct sur la résilience des communautés.
5- Résumé : un budget qui prépare le terrain, mais qui exige des acteurs locaux qu’ils se mobilisent
Ce budget ne fait pas tout.
Il n’offre pas une solution miracle à la crise du logement.
Il ne règle pas le coût de la vie.
Il ne sauvera pas, à lui seul, les commerces de quartier.
Et il nous endette encore plus profondément.
Mais il crée des leviers structurants :
- des outils financiers pour développer des milieux de vie denses et complets;
- des incitatifs puissants pour moderniser la production locale;
- des ajustements logistiques pour soutenir les chaînes d’approvisionnement.
Ce qui reste à faire relève désormais de l’action collective :
- aux municipalités de déposer des projets d’habitation sociale structurés, saisir le financement;
- aux PME manufacturières d’investir tant que l’incitatif fiscal est favorable;
- aux centres de rénovation d’intégrer davantage de fournisseurs locaux;
- à Bien fait ici d’intensifier l’éducation, la promotion et l’accréditation.


