Richard Darveau a promis à la quarantaine de membres participant au webinaire d’hier matin qu’il allait « tout faire pour convaincre le gouvernement du Québec de reporter d’au moins six mois l’application des règles découlant de la Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens ». Il a précisé que « pendant ce délai, toutes les parties prenantes devaient s’asseoir pour convenir de paramètres réalistes et précis qui ne compromettent pas les objectifs de la législation – que tous les membres partagent sans doute – mais qui ne nous font pas reculer en termes d’expérience client et d’allègement administratif ».
Les propos du président de l’AQMAT ont bien été reportés par la journaliste Nathaëlle Morissette de La Presse + qui assistait à la Pause-café d’hier, organisée par l’association les troisièmes jeudis de chaque mois pour aborder un sujet d’actualité.
Lire l’article de La Presse+ ici.
Lire également la position du Groupe BMR qui tire dans la même direction, comme le rapportait TVA.
Michel Rochette, président pour le Québec du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD), évoque les mêmes problèmes d’application dans une entrevue sur les ondes de KYK-FM.
Richard Darveau a également accordé une entrevue radio ce matin à Mélanye Boissonneault à Radio-Canada Ottawa-Gatineau à écouter ici (vers 8 h 25).
Que disent les règlements découlant de la Loi 29?
À partir du 5 octobre 2025, les pièces de rechange, les services de réparation, et les renseignements nécessaires à l’entretien ou à la réparation de tout produit doivent être disponibles pour une « durée raisonnable » après l’achat.
Le commerçant, avant de conclure le contrat, doit divulguer clairement si la disponibilité des pièces, des services ou des renseignements est garantie, et s’il y a des exclusions.
Il faut garantir que les pièces peuvent être installées avec des outils couramment disponibles, sans causer de dommage irréversible au bien.
Le commerçant ou le fabricant doit supporter les frais raisonnables de transport ou d’expédition pour la garantie, et les frais de réparation (ou permettre qu’un tiers le fasse) sur ces biens couverts.
Dans le cas des produits vendus avec une garantie du manufacturier, le marchand et le fournisseur doivent solidairement fournir au consommateur, immédiatement après la conclusion du contrat (vente ou location à long terme), un document écrit exposant la garantie : durée, que le bien peut être réparé gratuitement en cas de mauvais fonctionnement, etc.
En plus, le fabricant doit divulguer, de façon évidente et intelligible quelles pièces, services, renseignements il garantit ou non.
En d’autres mots, chaque produit devra être assorti de son propre document spécifique. On parle ici d’un document papier.
Si un marchand veut exempter un produit de toutes ces obligations, il doit remettre une note écrite expliquant au consommateur, par exemple, qu’il n’y aura pas de pièces de rechange ou de service de réparation pour ce produit.

Le webinaire est disponible pour écoute ici dans son intégralité.
Le feu aux poudres a été mis par l’une des participantes au webinaire, une propriétaire-marchand de quincaillerie, qui a osé cette question : « Pourquoi se conformer à l’absurdité ? »
Au cœur du problème, outre le délai trop rapide d’application (5 octobre), c’est le flou qui entoure trois paramètres du règlement :
- l’information du marchand sur la disponibilité des pièces de rechange doit être fournie durant un temps « raisonnable »;
- le service de réparation doit être offert par un temps « raisonnable »;
- le prix des pièces et/ou de la réparation doit être « raisonnable ».
M. Darveau est d’avis qu’un tel qualificatif peut entraîner au mieux des débats d’interprétation dans les commerces pouvant abimer la relation client-employé et au pire, des poursuites de la part de consommateurs se considérant lésés.
Une quatrième zone de flou s’ajoute aux trois premières : quels produits sont touchés ou exemptés.
À ce sujet, Michel Rochette, président du Conseil canadien du commerce de détail, section Québec, invité à la Pause-café de l’AQMAT, a rappelé les termes exacts des textes légaux : « la garantie de disponibilité s’applique notamment dès que l’usage d’un bien peut nécessiter le remplacement, le nettoyage ou la mise à jour de l’une de ses composantes. »
« C’est donc dire que tous les produits en quincaillerie sont pratiquement touchés, à part les 2×4 », d’ironiser Richard Darveau.
Un cinquième élément pose problème, c’est le moyen mis à la disposition d’un marchand et d’un manufacturier qui préféreraient exempter un produit de toutes les dispositions prévues à la loi. M. Darveau commente : « Imaginez la tête du client quand l’employé lui dit que ce qu’il a l’intention d’acheter n’est assorti d’aucune garantie ni d’aucune mesure de disponibilité de pièces ou de réparation. Croit-on vraiment au gouvernement que ce client sera incité à compléter son achat, à recommander ce marchand ? »
Les discussions ont débordé sur les causes profondes des hésitations des quincailliers à se conformer à la loi et à ses règlements.
D’abord, le monde des affaires, couvrant les détaillants et leurs manufacturiers, n’a pas vraiment été entendu durant les consultations il y a deux ans. Puis les règlements livrant les détails de la loi n’ont été rendus publics que cet été. Et c’est depuis seulement dix jours que l’Office de protection du consommateur a commencé à diffuser une capsule d’information pour les entreprises.
Les participants au webinaire ont évoqué le dumping de produits de mauvaise qualité, notamment dans les petits électros et les outils d’entrés de gamme. Il est imprudent de demander aux marchands de bénir la qualité, le prix et la disponibilité des pièces de rechange et des services de réparation offert par des manufacturiers souvent asiatiques et avec lesquels les quincailliers ne transigent pas directement.
« Des États ont choisi d’encadrer de manière plus sévère l’entrée au pays de produits aux qualités éphémères, mais ce n’est pas le cas ici », de préciser M. Darveau.
Certains des participants sont tellement agacés par la démarche forcée du gouvernement Legault qu’ils sont presque disposés à la désobéissance civile. « Arrêtons de payer nos remises au 15 du mois, arrêtons de gérer la TPS et TVQ pendant trois mois, ils vont en arracher tantôt ! », de lancer une des marchands-propriétaires.
« Allez expliquer cette loi à un étudiant qui travaille à la caisse la fin de semaine et qu’il ait cette charge à respecter, bonne chance ! », se désolait une autre.
« Combien de personnel additionnel sera requis sur le plancher ? », se demande un manufacturier, solidaire de ses détaillants.
Une marchande se demande comment on pourra gérer la paperasse avec les caisses libre-service…
Une autre y est allée de cette réflexion : « Je pense que nous pouvons facilement avoir les consommateurs de notre côté. Sérieusement, connaissez-vous des gens qui vont vouloir être retardé de plusieurs secondes à chaque achat pour se faire remettre de la paperasse ? Les consommateurs qui, généralement, font une boulette avec leur facture papier après l’achat, je ne pense pas qu’ils seront intéressés à attendre de recevoir un autre papier qui finira également en p’tite boulette par terre dans le stationnement. »
Bref, le message entendu est : « On a besoin de vous pour nous représenter. » Le vous référant ici à l’AQMAT, mais aussi au CCCD et sans doute à d’autres associations.
Le mot de la fin appartient à une des participantes : « La seule solution raisonnable, pour employer ce même mot qui pose problème, c’est de se tenir tous ensemble en tant que commerçants et de bouder le nouveau projet de loi. Forcer le gouvernement à s’asseoir avec les gens concernés. »


