La croisade anti-tarifs de Costco pourrait faire boule de neige

En contestant frontalement les tarifs de Trump devant les tribunaux fédéraux, Costco ne se contente pas de défendre ses marges : l’enseigne pose la question explosive de savoir jusqu’où un président peut aller, seul, pour réécrire les règles du commerce international. Si la Cour lui donne raison, ce ne sont pas seulement ses propres droits de douane qui pourraient être remboursés, mais potentiellement des milliards de dollars pour l’ensemble des importateurs américains.

La bataille de Costco n’est donc pas qu’un épisode isolé : c’est un test grandeur nature de la résistance de tout le commerce de détail face à l’arme politique des tarifs.

Le géant de l’entrepôt-magasins a en effet déposé fin novembre un recours à la Cour du commerce international (CIT) pour faire annuler les « tarifs d’urgence » imposés par Trump sur une vaste gamme d’importations, et obtenir le remboursement intégral des droits déjà payés.

Un bras de fer sur les pouvoirs d’urgence

Au cœur du litige : l’usage par Trump de l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA), une loi censée servir à répondre à des menaces « extraordinaires » – terrorisme, sécurité nationale – et qui ne mentionne pas les droits de douane. Costco soutient que la Maison-Blanche a détourné ce texte pour taxer massivement les importations en provenance de Chine, du Mexique, du Canada et d’autres pays, sans passer par le Congrès.

Selon des documents cités par plusieurs médias américains, l’enseigne affirme avoir payé des droits « substantiels » tout au long de l’année et craint, si rien n’est fait, de perdre définitivement le droit au remboursement lorsque les douanes « liquideront » officiellement ces importations.

En parallèle, la Cour suprême examine déjà un dossier test, Trump v. V.O.S. Selections, sur la constitutionnalité même de ces pouvoirs tarifaires, ce qui pourrait amplifier l’enjeu du recours de Costco.

Quand les marges se font laminer

En interne, Costco ne cache pas l’impact de ces droits de douane.

Environ un tiers de ses ventes américaines provient de produits importés, une grande part venant de Chine et frappée par des droits pouvant dépasser 100 %.

Déjà en 2024, le directeur financier Gary Millerchip prévenait que les tarifs envisagés par Trump finiraient par se répercuter sur les prix en rayon, malgré les efforts du groupe pour absorber le choc sur les produits de base.

Sur le terrain, l’effet est tangible : dans les allées des clubs-entrepôts, les experts interrogés par le Los Angeles Times rappellent que les droits de douane agissent comme une taxe cachée sur les achats du quotidien, de l’alimentaire aux articles ménagers, et entretiennent une grande incertitude sur l’inflation à venir.

 Tir groupé ou cavalier seul ?

Costco est-il un cas isolé ? Oui et non.

Non, car le distributeur s’inscrit dans une vague beaucoup plus large d’opposition aux tarifs.

Des groupes comme la National Retail Federation (NRF) ou la Retail Industry Leaders Association dénoncent depuis des mois l’impact des droits de douane sur les chaînes d’approvisionnement et le portefeuille des consommateurs, réclamant à la Maison-Blanche de renégocier plutôt que d’augmenter les taxes.

Des sondages commandés par la NRF montrent d’ailleurs qu’une majorité d’électeurs s’inquiètent de la hausse des prix liée aux nouveaux tarifs sur le Canada, le Mexique et l’Europe.

Non, encore, parce qu’une série d’entreprises – Revlon, Kawasaki, Bumble Bee, EssilorLuxottica et d’autres – ont déjà saisi la CIT pour contester les mêmes droits et sécuriser d’éventuels remboursements si les tarifs tombent.

Costco rejoint donc une file d’attente judiciaire qui s’allonge, comme le confirmait ce week-end le quotidien USA Today.

Costco est cependant encore le seul parmi les géants de la distribution généraliste; la plupart des grands détaillants ont choisi de gérer le problème par la communication – en justifiant les hausses de prix lors des conférences téléphoniques ou dans les médias – et par le lobbying via leurs associations professionnelles.

Seul Costco a franchi le Rubicon en attaquant directement le pouvoir tarifaire présidentiel devant les tribunaux.

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