Le blog de Richard


Plus ça change, moins c’est pareil

Dieu que notre industrie a changé en cinq ans.

Oups, désolé, la charte m’oblige sans doute à biffer le mot Dieu. Alors je recommence.

Que notre industrie a changé en cinq ans.

Quand je suis arrivé en poste en 2008…

ACE: Cette bannière purement américaine n’avait aucune vie québécoise, même canadienne il y a cinq ans. On se souvient qu’existait alors Services au détail PRO. Le Roi est mort, vive le nouveau Roi. Le ménage à trois Ace/TimberMarts/Distribution Chalifour semble avoir fait oublier le bon vieux temps de l’époque de Sodisco (pour les plus vieux!). Ça a quand même brassé au fort à Calgary puisque Tim Urquhart a dû quitter la présidence en réaction aux travaux de réflexion stratégique amorcés par le conseil d’administration de TimberMarts.

BMR: Qui pouvait imaginer que des discussions auraient cours avec Unimat en vue d’une éventuelle fusion? C’est pourtant ce qui se passe. À défaut de renseignements officiels, on s’alimente avec les rumeurs, dont la plus répandue veut que le Bureau de la concurrence étudie actuellement les conséquences d’une nouvelle structure pilotée par la Coop fédérée qui coordonnerait les deux bannières (BMR et Unimat), lesquelles resteraient donc bien vivantes. Cohabitation entre une fibre entrepreneuriale pure laine et un empire coopératif: tout semble possible quand une fin justifie de nouveaux moyens.

Canac: Seul groupe non membre de l’AQMAT, il faut quand même souligner un fait ou deux: personne n’aurait pu prédire, sauf les membres de la famille Laberge, que ce groupe typiquement régional sortirait de Québec un jour. La bannière essaime dans toutes les régions, au point où personne ne se surprendrait de la voir s’attaquer à la forteresse montréalaise un jour.

Castle: Au Québec, il y a cinq ans, aucune trace visible de cette bannière bien implantée dans certaines provinces, hormis une collaboration avec le magasin de Jack Crombie à Hudson. Le groupe a pourtant fait des percées ici, timides jugeront ses compétiteurs, mais les moyens sont pris pour que la progression se sente; je pense ici à l’embauche de Robert Legault, au passage au bilinguisme de toutes leurs communications et à une entente originale avec le grand distributeur américain Orgill, lequel, toujours selon les rumeurs, devrait bientôt adhérer à l’AQMAT.

Home Depot: C’est un secret de Polichinelle que son véritable concurrent est Lowe’s et personne d’autre. En Afrique, d’ailleurs, on dit que les éléphants ne combattent que les autres éléphants. Or, au moins deux terrains au pourtour de Montréal ont été acquis par Lowe’s depuis des années sans qu’on ne voit encore la bannière bleue s’y ériger. Et passons sous silence l’offre de Lowe’s sur Rona, officiellement non sollicitée. Le projet a avorté, si bien que Home Depot demeure le seul géant américain en sol québécois, fait unique dans l’ensemble canadien.

Home Hardware: Parmi le lot, c’est sans doute la bannière qui était et demeure semblable en termes de positionnement dans le marché et de modèle d’affaires pour les marchands. La stabilité incarnée par une haute direction non contestée, des marchands conscients et heureux de ce que la bannière peut leur apporter avec un minimum de contraintes. C’est comme si le groupe était imperméable à l’eau qui cascade tout autour.

Patrick Morin: Boulimique, du moins dynamique est ce groupe né dans Lanaudière. La famille ne cache pas son jeu et lorgne trois autres magasins à brève échéance pour atteindre le plateau des 20 enseignes. Elle est bien finie l’épithète d’entreprise régionale quand on constate que ses magasins couvrent déjà trois régions administratives. 

Rona: Avant, Robert Dutton régnait solidement et les marchands Rona étaient à ce point fidèles à la bannière que le simple fait de soulever la possibilité que l’un d’eux puisse considérer l’offre d’un autre groupe déclenchait un regard d’hostilité. Aujourd’hui, l’échiquier a bougé. La toute nouvelle équipe qui occupe la haute direction doit prendre en compte les marchands maintenant regroupés en association pour établir un rapport de force alors que les actionnaires, surtout ceux hors Québec, piaffent d’impatience. Qui peut prédire ce qui arrivera quand on sait qu’avec deux prises, on peut quand même frapper un circuit!

Unimat: Le premier des coups d’éclat des dernières années est venu du joueur le plus traditionnel: la Coop fédérée. Cantonné dans des sous-espaces derrière une priorité agricole, le volet quincaillerie et matériaux n’avait pas vraiment d’existence propre à lui il y a cinq ans. Et voilà qu’on crée Unimat, un branding agressif géré par une équipe aguerrie. Deuxième vague révolutionnaire, l’acceptation depuis 2-3 ans d’opérations de magasins sous un mode non coopératif, c’est-à-dire comme de vraies et entières pme. Et voilà qu’on négocie même avec BMR en vue d’une fusion.

Vraiment, plus ça change, moins c’est pareil!

Vrai aussi pour les personnes. Elles s’adonnent pour la plupart à un grand jeu de chaises musicales, où on change de camp plus que fréquemment, sans pour autant quitter l’univers de la quincaillerie et des matériaux.


Tous touchés

Trois de nos marchands et deux fournisseurs méganticois ont été directement touchés par la catastrophe ferroviaire.

La quincaillerie ACE  Matériaux Matcot, dirigée par Raymond Côté.

Le BMR Les Entreprises Périnet dirigé par Diane Poulin.

Le Unimat de la Coop Lac-Mégantic Lambton dirigé par Alain Grenier.

L’usine de la Corporation internationale Masonite dirigée par Daniel Hamann.

L’usine de Tafisa dirigée par Louis Brassard.

Leurs affaires sont encore affectées, voire paralysées par l’incendie et l’interruption du chemin de fer.

Des pertes humaines ont été enregistrées soit parmi leurs employés, leurs fournisseurs ou leurs clients.

En vérité, les dégâts n’ont pas été circonscrits à la MRC du Granit, ni à l’Estrie. Ils nous touchent tous.

Est-ce parce que les trois bannières représentent des piliers de la grande famille que représente l’AQMAT? Oui, un peu pour ça.

Est-ce parce que les panneaux de particules et la mélamine thermofusionnée décorative de Tafisa ainsi que les portes d’entrée et intérieures de Masonite sont distribués par des membres-clés de notre Association, puis revendus dans les plus importantes de nos bannières canadiennes et américaines? Aussi pour cela.

Mais avant tout, les dommages collatéraux du drame qui se déroule à Lac-Mégantic nous concernent parce qu’ils expriment en quelque sorte le caractère parfois débridé du capitalisme qui nous fait généralement vivre, pas mourir.

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À chaque fois que je suis à Dorval, le même sentiment d’inquiétude m’habite à voir ces aéronefs géants descendre sur un million de captifs. On sait tous que Mirabel a déraillé en raison du lobbying de l’aéroport Lester-B.-Pearson en faveur de Toronto. La logique n’a pas tenu sous le poids de l’affairisme. Le Québec allait se doter du plus moderne des aéroports au pays. On patche Dorval depuis. Plutôt bien, d’ailleurs, en termes de bâtiments. Mais le péril demeure à chaque décollage, à chaque atterrissage, pas plus ni moins que lors du passage ailleurs d’un train rempli de matières dangereuses.

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Lac-Mégantic souffre du même manque de scrupules à l’endroit de la protection de la vie humaine et du développement durable. Un ministère des Transports à la mission détournée de sa nature sous  la pression politique néolibérale a permis un comportement laxiste d’un opérateur de trains de marchandises, avec le résultat qu’on connait un peu chaque jour.

Tous ceux qui voyagent beaucoup peuvent témoigner qu’il n’existe aucun aéroport situé aussi nonchalamment au coeur d’une agglomération urbaine comme Montréal. On a permis cet excès comme on a laissé se transporter par train des tonnes de pétrole sans surveillance le long des artères principales d’un chapelet de municipalités.

On peut exiger qu’il y ait un conducteur dans le train (et un pilote dans l’avion!). Notre effort devrait aussi viser à s’assurer que Transports Canada demeure en phase avec son mandat, lequel se lit comme suit:  servir l’intérêt public en favorisant un réseau de transport au Canada qui soit sûr et sécuritaire, efficace et respectueux de l’environnement.


Régulation à deux vitesses

Dans quels mondes vivons-nous? Oui, oui, j’ai utilisé le pluriel parce qu’il y en a deux.

Celui où une compagnie de train auto-régule ses normes de sécurité avec les dommages directs et collatéraux qu’on calcule en pertes humaines, financières, matérielles et environnementales.

Et celui où on nous traque, on nous harcèle presque, avec des demandes et des procédures d’une rare complexité pour qui n’y est pas familier.

Les exemples pleuvent dans ma tête.

Les rapports d’équité salariale. Qui les a rempli sans se dire à quel point les informations demandées sont du brassage de papier? Ne vous méprenez pas: je suis 100 % en faveur de la loi. Mais c’est son côté rétroactif qui pose problème. Obliger les entrepreneurs à remonter jusqu’en 1996 pour déclarer combien gagnaient les hommes et les femmes à temps plein et à temps partiel, ouf! Sans parler des exigences d’accès de Clic Secur Plus et d’un protocole qui oblige à recommencer le processus à la moindre erreur.

Les rapports à Éco Entreprises Québec. La loi sur la qualité de l’environnement oblige toute entreprise à déclarer les quantités de matières qui se retrouveront dans les centres de tri, en plus de payer 100 % des coûts municipaux de traitement. Ici aussi, les tarifs sont basés sur les activités des années passées. Il faut voir la longueur et la complexité des documents d’aide aux déclarations et de guides pour comprendre à quel point il y a eu une tonne de comités et de fonctionnaires pour en arriver à dessiner un cheval avec une bosse et cinq pattes!

Les preuves de conformités exigées par la CSST. Toute entreprise est maintenant tenue de savoir si ses sous-traitants sont conformes ou non aux yeux de la Loi sur la santé et sécurité au travail. Soyons clairs: on est pour une sécurité optimale sur les chantiers, dans les usines et partout. Mais faire porter le poids d’une entreprise délinquante sur une autre, obliger cette dernière à remplir une demande d’attestation de conformité, c’est faire jouer le rôle de l’État par les entrepreneurs.

L’application au pied de la lettre de la Loi sur les heures et les jours d’ouverture des commerces. On sait que la Loi citée prescrit les heures d’ouverture et de fermeture selon les jours de la semaine. Et on est d’accord avec la stricte application de ces normes, incluant la possibilité offerte spécifiquement aux quincailleries et aux centres de rénovation d’ouvrir aux « contracteurs » plus tôt, via une porte dédiée. Or, quand un consommateur se glisse entre deux entrepreneurs pour acheter une boîte de clous ou pour accompagner son professionnel, sa présence place le commerce dans l’illégalité. Sur papier, cela est vrai. En pratique, pourrait-on demander aux inspecteurs de respirer par le nez profondément avant d’appliquer la loi et d’envoyer des amendes salées?

Les coresponsabilités exigées par les lois de protection du consommateur ou de la santé publique. Les marchands doivent maintenant trouver le moyen de savoir si les produits proposés par leurs manufacturiers ou distributeurs sont correctement étiquetés et si leurs modes d’emploi sont suffisamment clairs pour ne pas entrainer de problème de santé ou de sécurité. On doit donc devenir ergonomes, infirmières, quasiment pompier pour commercer aujourd’hui!

Je pourrais poursuivre longtemps la litanie des obligations de paperasse motivées au départ par des buts vertueux, mais qui ont dérivé et sont devenues harassantes.

Le monde est bipolaire: nos camions se tapent la pesée obligatoire alors que les trains américains passent sous tout radar.


Après le push, le pull

Les premières sessions de la Commission appelée Charbonneau, chargée d’enquêter sur l’octroi des contrats gouvernementaux dans l’industrie de la construction, seraient des versions édulcorées de ce que le feuilleton nous prépare pour l’automne.

C’est du moins ce que prétend Jacques Duchesneau, certes devenu politicien, donc partisan, mais qui demeure Monsieur Net aux yeux de plusieurs.

En pause estivale, la dite Commission lâche le niveau municipal pour le gros gibier: les contrats avec le gouvernement du Québec, en particulier le ministère des Transports, sans oublier d’énormes créatures comme Hydro-Québec.

« Au provincial, ce ne sont pas les entrepreneurs qui poussent vers le haut, mais c’est le haut qui demande de l’argent. » Voilà ce qu’a affirmé aujourd’hui Jacques Duchesneau au quotidien Le soleil.

Ce ne serait donc pas seulement le fait qu’un ou deux zéros s’ajoutent aux montants des contrats en jeu au palier provincial par rapport au municipal, les procédés seraient aussi bien différents.

À petite échelle, l’entrepreneur, on l’a vu ad nauseam à la Commission, se propose de financer des partis ou de remercier des fonctionnaires qui l’aideront à obtenir des contrats.M. Duchesneau qualifie la stratégie de « pull ».

À plus grande échelle, il semblerait que c’est le donneur d’ouvrage qui « push » en fixant les mises: les entrepreneurs ne proposent rien, ils disposent. Du Vaillancourt stéroïdé, quoi!

Je quitte pour un voyage de pêche dans les Hautes Gorges de la rivière Malbaie. Je ne penserai pas à la juge Charbonneau ni aux Dalton multipliés qui paradent devant elle. Mais je vais avoir hâte de constater si le député Duchesneau dit vrai en m’assoyant de nouveau devant mon petit écran après l’été.


Dix journées perdues plus tard

Chiffrer le manque à gagner de dix journées de grève dans l’industrie de la construction est la question que m’ont le plus souvent posé les journalistes.

La réponse facile aurait été de répondre par une autre question: « Demandez-moi plutôt si ce conflit a fait des gagnants et je vous répondrai sans hésitation: non! »

On ne vit pas dans un drôle de monde, mais dans deux mondes. Le syndical et le non-syndical, et un énorme fossé, plus grand que jamais, sépare les deux univers.

Le premier revendique des droits acquis, acquis parce qu’obtenus en vertu d’une ancienne convention, intouchables comme les vaches en Inde. Le rapport de force a pris le pas sur les relations de travail. Ah! le poids de la tradition. Celui de l’inertie aussi est parfois lourd.

Le second ne revendique pas, il travaille ou tente de travailler. Certes, il demande les meilleures conditions possibles et peut tenter sa chance pour un autre employeur afin d’améliorer son sort. C’est le jeu sain de l’offre et la demande. Généralement pas plus con, le patron prendra les dispositions pour conserver les éléments sur qui il veut compter et ne cherchera jamais à provoquer un roulement intempestif de son personnel. Si bien que tout finit par s’équilibrer dans une telle relation.

Les travailleurs, leurs entreprises, par à-coup nos magasins, personne n’aurait eu de manque à gagner si on était en relation plutôt qu’en confrontation.

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Et la réponse à la question, quelle est-elle déjà?

Elle se détaille en gros comme suit.

Les centres de rénovation orientés clients professionnels ont définitivement été les grands perdants. Et leurs pertes vont continuer car les entrepreneurs généraux et spécialisés doivent éponger leur propre manque à gagner. Quelques jours s’écouleront lentement avant que la roue recommence à tourner au régime attendu.

Les fabricants et distributeurs de matériaux et d’outillage pro commençaient à s’inquiéter du conflit qui s’enlisait. Rares sont ceux qui ont procédé à des mises à pied, mais ça s’en venait. Une semaine de plus et les avis au personnel partaient. Ouf! il était moins une.

Je parle évidemment du marché résidentiel qui fait travailler, en gros, les membres de l’APCHQ, gros clients de nos magasins. Pour les autres qui fabriquent pour le secteur Industriel, Commercial et Institutionnel (ICI), le bras de fer se continue hélas. La tolérance financière et psychologique des patrons d’usines approche de son étirement maximal…
 
Les quincailleries servant plutôt les consommateurs s’en sortent bien. Le « do-it-yourself » est resté actif. Celui qui était moins manuel l’est peut-être devenu par la force des choses; nos magasins étaient là pour l’accompagner.

Les fournisseurs de lignes pour consommateurs n’ont sans doute pas écopé.

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Bref, malgré l’humidité, on respire mieux à l’AQMAT et chez la plupart de nos membres. Mais pas tous. Alors, pensons à eux.


Le (mauvais) temps perdu ne se rattrape plus

Quand je suis arrivé dans cette industrie, je ne me doutais pas à quel point la mauvaise météo pouvait affecter les affaires des quincailleries et centres de rénovation. Autant que le manque de neige pour les stations de ski.

La météo est morose, le moral des rénovateurs et des jardiniers s’en trouve affecté, donc les affaires de nos membres écopent.

Les mauvaises langues parlent d’une baisse de l’activité d’au moins 10 % par rapport au printemps 2012. D’autres facteurs que la pluie sont en cause.

La confiance minée par les arrestations de l’UPAC et les travaux médiatisés de la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction n’aident pas à faire sonner les caisses dans nos magasins dont en moyenne 50 % du chiffre d’affaires provient des entrepreneurs.

La menace grandissante qui règne sur les chantiers à la veille d’être paralysés soit par une grève décidée par l’Alliance syndicale ou par les associations patronales du secteur a aussi pour effet de freiner l’érection de maisons neuves.

On pourrait vivre avec une situation de ralentissement dans le neuf si le marché de la revente était fort, car celui-ci entraîne des travaux et des achats pour la rénovation tant avant la vente – grâce au fameux home staging – que pour les améliorations que l’acquéreur d’une propriété de seconde main veut exécuter ou faire exécuter dans les premiers mois suivant son achat.

Or, il n’en est rien. Dans la plupart des régions administratives du Québec, les temps de transaction immobilière se sont allongés au point où plusieurs vendeurs stoppent leurs démarches, gardent leur maison, avec l’espoir de revenir dans un marché plus favorable.

L’effet de Charbonneau et l’éventuel gel des chantiers viennent porter ombrage aux belles journées ensoleillées qui se pointent.

Toutes les affaires perdues par nos commerces ne se rattrapent plus. Non plus les commandes plus petites ou reportées que les détaillants et leurs bannières placent auprès des fournisseurs.

Faut-il se résigner? Je ne pense pas. Je préfère miser raisonnablement sur l’instauration d’une paix durable sur les chantiers et des mœurs assainies dans l’octroi et la gestion des contrats dans l’industrie pour croire en des jours meilleurs.


État d’apesanteur

L’astronaute canadien Chris Hadfield nous en a appris sur la légèreté relative des choses tant on l’a vu flotter (au propre comme au figuré) et philosopher sur la réelle importance des événements qui nous arrivent. Un grand pas pour l’humilité que de l’avoir entendu, avec ou sans guitare.
En comparaison, pompeuse et fausse était la grande messe internationale CM2 que Montréal a accueilli récemment sur le commerce et la créativité. Les organisateurs exprimaient leur ode à la liberté et leur  allergie à l’interventionnisme gouvernemental tout en acceptant de l’autre main plus de 3 millions de dollars en fonds publics pour tenir leur événement sur l’entrepreneuriat. Cherchez l’erreur !
Il en va ainsi des partis qui se suivent à la tête du gouvernement et se ressemblent hélas. L’un après l’autre, ils dénoncent l’immobilisme de leurs prédécesseurs et les nominations partisanes pour ensuite verser dans les mêmes accrocs à la bonne gouvernance et à la gestion efficiente.
Le projet de Banque de développement économique du Québec en est le dernier exemple. J’exagère à peine en disant que le projet ferme un conseil d’administration pour en créer deux nouveaux et prétend devenir un guichet unique alors que l’entrepreneur devra encore s’adresser à mille et une portes pour obtenir des services ou de l’information.
Le Québec se classe très moyennement dans le monde en termes de nombre de documents et d’étapes à franchir pour quiconque veut soumissionner pour un contrat public, démarrer une entreprise, etc.
On ne pense pas en dehors de la boîte. On rebrasse les mêmes 52 cartes. Et on s’étonne du statisme.
Personnellement, je suis contre ces afflux de subventions au privé. Le Québec est la province qui verse le plus de subventions aux entreprises sans que ces dons affectent positivement notre économie.
Je suis en faveur d’une fiscalité plus compétitive pour toutes les entreprises plutôt que d’aider à coups de millions quelques unes.
L’AQMAT prêche par l’exemple à ce chapitre. Environ 1 % de notre budget de fonctionnement provient du Gouvernement du Québec alors que 99 % est fourni par les entreprises membres. Équilibre sain, d’autant que ces quelque 10 000 $ annuels servent à l’intérêt collectif de nos membres, non pas à nos opérations, puisqu’elles contribuent au financement du gala et de l’outil d’étalonnage comparatif.
À quand un État résolument orienté vers le dégraissage des structures et viscéralement contre le graissage ?


La culture du silence dans l’industrie de la construction

Cette semaine, je cède mon espace de blogue à un confrère de l’Association canadienne des rénovateurs.
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J’ai déjà parlé du fait que la plupart des entrepreneurs et des travailleurs ne portaient pas de casque de sécurité sur les chantiers de rénovation domiciliaire. On parle d’une « culture »! Ce qui signifie que si le patron ou le contremaitre ne porte pas de casque, c’est la norme de ne pas le faire. Si vous décidez de le porter, vous avez l’air d’un « looser », pire, d’une « tap…»!
Avec une telle culture, on peut ainsi faire bien des compromis sur la sécurité, comme de ne pas attacher les échelles au haut et au bas comme le veut le Code de sécurité. Ou encore se servir d’équipement endommagé et dangereux. Et que dire de ce trou dans le plancher qui devrait être recouvert ou entouré de garde-fous? Une chute de 15 pieds sur la dalle de ciment du sous-sol. Malgré cela, tous les travailleurs ainsi que le patron continuent à travailler autour du problème. Et sur le toit, personne n’utilise de harnais de sécurité ou s’ils le font, le harnais n’est même pas attaché!
Je ne parle pas d’une situation hypothétique : je l’ai vu maintes et maintes fois sur les chantiers. Je ne suis pas le seul à le constater : les nouveaux travailleurs le voient aussi, mais sont astreints au code du silence. Ils se sentent mal placés pour en parler, lorsque la culture veut que l’on contourne les règlements, que l’on coupe les coins ronds et que l’on ne fasse surtout pas de vague.
Cette situation est alarmante et dangereuse. Au fil des ans, j’ai connu plusieurs entrepreneurs qui ne sont jamais revenus à la maison après le travail à la suite d’un accident de travail mortel. Pour une question de mauvaise gestion et de pratiques sécuritaires inexistantes. Cela s’inscrit dans une volonté de terminer le travail le plus rapidement possible, en ignorant le bien-être de la ressource la plus précieuse, les travailleurs. J’ai déjà été sur des chantiers où des travailleurs ont trouvé la mort ou, pour les plus « chanceux », se sont retrouvés en fauteuil roulant. C’est effrayant : vous ne voudriez pas en être témoin, moins encore victime.
Ceux qui survivent à un accident de travail doivent souvent vivre avec des douleurs pour le restant de leurs jours. S’ils reçoivent tout d’abord des prestations de la CSST ou de régimes d’assurance privé, ces paiements peuvent cesser peu après l’accident. Un bon ami est tombé d’un toit et s’est retrouvé en fauteuil roulant pendant un an. Les prestations ont pris fin un an après qu’il ait quitté ce fauteuil. Neuf années plus tard, il ne peut toujours pas conduire une voiture et peine à trouver de l’emploi. Il n’a jamais retrouvé sa vie d’antan.
Il est grand temps de mettre fin à cette culture du silence.
Alec Caldwell
Président et fondateur de la Canadian Association of Renovators and Home Services (CARAHS)


S’insérer entre Chinois et Américains

Ici, où je suis, à Las Vegas, se termine aujourd’hui le National Hardware Show. Si on enlève les stands d’exposants de la Chine et ceux qui arborent des slogans du genre « Proudly made in USA », on passerait de 2500 kiosques à moins de 1000. Peut-être même que ça descendrait à 500 stands.

Nous, avec notre Pavillon des Innovations ainsi que la vingtaine d’autres exposants du Québec et du Canada devons rivaliser entre les bas prix des uns et le chauvinisme des autres.

Le contexte explique pourquoi on joue en mineur la carte Québec ou Canada, préférant attirer les visiteurs avec le slogan « From the North of America ».

Et ça marche!

Les gens sont intrigués, plutôt heureux d’apprendre qu’on vient du Québec/Canada.

On récidivera en France, au salon Batimat en novembre, sans doute avec le même slogan.


Aussi forts que le plus faible de nos maillons

Quelle curieuse Fête des travailleurs que ce récent premier mai. En réalité, comment employer le mot fête alors qu’on sortait des décombres d’une usine délocalisée au Bangladesh plus de 400 innocents travailleurs à la suite d’un manquement aux normes les plus élémentaires de sécurité.

Plusieurs des multinationales qui profitent des coûts bas de la main-d’œuvre (salaires de 50 $ à 100 $ par mois) ont rapidement entrepris de verser des compensations, comme Joe Fresh, l’étiquette de vêtements de Loblaw. Le géant de l’alimentaire canadien a rappelé que ses fournisseurs ont déjà l’obligation de manufacturer des produits avec un souci de responsabilité sociale, mais a admis que leurs ententes ne couvraient pas la question de la légalité et de la sécurité des bâtiments.
Le Conseil canadien du commerce de détail a promptement annoncé l’actualisation de son guide des bonnes pratiques et la publication de matériel éducatif à l’intention de ses entreprises membres. Une vaste coalition d’associations semblables à l’échelle nord-américaine s’est créée dans le but d’établir de nouvelles normes de travail et de sécurité pour les usines au Bangladesh avec la collaboration du gouvernement local.
Mieux vaut tard que jamais. Car en face, ça s’organise. La manifestation réprimée le jour même par les forces policières montréalaises a exacerbé les sentiments anti mondialisation sauvage des Québécois les plus radicaux.
Et nous, où se situer ? Il faut courageusement choisir le camp du soutien aux usines d’ici et du coup, de leurs travailleurs.
Nos usines québécoises et canadiennes de fabrication d’articles de quincaillerie et de matériaux ne sont pas protégées. Elles doivent conjuguer avec le néolibéralisme qui conduit à la quête du plus petit coût de revient.
Le transfert des emplois et de la production constitue la pointe d’un iceberg important.
Les importations québécoises en provenance d’Asie sont passées de 6 % du total des importations en 1992 à environ 30 % en 2010. Conséquence : la fabrication de biens compte pour 15 % de l’ensemble des emplois au Québec, deux fois moins qu’avant l’ouverture tous azimuts des marchés.
Selon l’Economic Policy Institute, l’accentuation du déficit commercial des États-Unis envers la Chine entre les années 1997 et 2006 aurait empêché la création de 2,2 millions d’emplois chez nos voisins du Sud. L’Institut démontre que Walmart seule est responsable d’un manque à gagner de plus de 200 000 emplois pour l’économie américaine en raison de ses achats massifs en Chine.
Il ne s’agit pas tant de freiner les délocalisations directes, mais de comprendre que c’est l’ensemble du processus de libéralisation de l’économie et de recours aux externalisations en production qui «coûte» le plus d’emplois à notre économie.
Les États-Unis, dépeints comme les plus grands partisans du libre-échange, commencent néanmoins à instaurer des lois visant à protéger les emplois américains contre les risques de délocalisation. L’offensive d’achat local annoncé pour nos supermarchés il y a quelques jours s’inspire du fameux Buy American Act.
À quand le jour où l’AQMAT réussira à assoir à la même table tous les dirigeants de bannières pour promouvoir ENSEMBLE nos usines?
« Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé »
Lamartine