
J’avoue être inquiété par un mouvement de résistance passive assez généralisé parmi nos troupes face à la Loi 29 qui les oblige à détailler par écrit les services de réparation et les pièces de rechange pour tout produit qui pourrait nécessiter un entretien et qui comprend au moins deux composants. Plusieurs marchands nous communiquent leur intention de ne rien faire.
L’AQMAT ne peut encourager ses marchands à désobéir à une loi, et ce faisant, à agir en mauvais citoyens corporatifs, en plus de s’exposer à des amendes salées – on parle ici d’un minimum de 3500 $ par jour – sans oublier un risque de poursuites de la part de clients qui se sentiraient lésés.
Écouter ici une entrevue à Radio-Canada donnée ce matin. Je multiplie les interventions média pour mieux informer les consommateurs et exercer de la pression sur le gouvernement.
Nous avons tout fait pour infléchir le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barette, responsable de l’Office de protection du consommateur (OPC) en charge d’implémenter ladite loi. Et quand je dis « nous », c’est moi et vous puisque j’ai reçu copie d’au moins 30 lettres que les membres ont adressé à leur député, sans doute y en a-t-il plus dont je ne suis pas au courant. Et c’est nous et la panoplie d’associations de commerce qui, toutes, ont tiré dans la même direction : demander un report afin de trouver des accommodements pour rendre applicables les objectifs poursuivis par la loi que nous appuyons : contrer les produits de trop basse qualité et renforcer la réparabilité des objets de consommation.
Je ne dis pas qu’on ne gagnera pas. Je dis qu’en date du 3 octobre à midi, le ministre demeure dogmatique. Il sentira un peu plus de chaleur à mesure qu’on s’approchera d’une campagne électorale.
Je rappelle ici pourquoi la réglementation relative à la loi est tout simplement inapplicable dans sa forme actuelle :
- elle est floue et ouvre la porte à des conflits d’interprétation lorsqu’elle stipule que les pièces et le service de réparation doivent être offerts à un prix raisonnable pendant une période de temps raisonnable, et changer une pièce sur tout produit doit pouvoir être réalisé avec un outil qualifié de « couramment disponible », autant de qualificatifs qui ne veulent rien dire;
- elle embrasse trop large en indiquant que les biens visés sont ceux qui peuvent nécessiter un entretien, une réparation ou une mise à jour, peu importe leur prix d’achat, leur provenance, etc. Un simple madrier traité avec un fongicide, payé 3 $, qui fend après un premier hiver pourrait, du point de vue du consommateur, nécessiter une réparation;
- tout est trop rapide : le règlement et ses détails ont été rendus publics le 5 septembre pour une activation dès le 5 octobre.
Comment s’exempter d’appliquer la loi… sans être hors-la-loi ?
La seule façon pour un commerçant ou un fabricant de s’exempter de la garantie de disponibilité est d’avertir le consommateur par écrit, avant la conclusion d’un contrat, qu’il ne fournit pas de pièces de rechange, de services de réparation ou de renseignements nécessaires à l’entretien ou à la réparation du bien visé par le contrat. Ainsi, le fait de divulguer l’information en ligne, sans la transmettre au consommateur avant la conclusion d’un contrat, n’est pas suffisant pour écarter la garantie de disponibilité dans le cadre d’une transaction en magasin.
Dans le contexte, voici notre recommandation.
1. Un avis aux clients
D’ici dimanche le 5 octobre, date à laquelle s’applique la loi, rédiger un avis ou un avertissement clair à l’intention de vos clients, sans oublier de briefer vos employés et de mettre vos fournisseurs dans le coup).
Voici un exemple de notice qui pourrait apparaître sur votre site web, sur votre page Facebook, et plus important encore, à l’entrée de votre magasin et à côté de chaque catégorie de produits.
AVIS À NOS CLIENTS Les produits vendus dans ce magasin ou sur notre site en ligne sont généralement couverts par une garantie d’utilisation normale par leur fabricant. Renseignez-vous auprès de votre conseiller avant de procéder à l’achat. Nous ne pouvons garantir que le prix et les délais des pièces de rechange et d’un service de réparation s’appliquent à 100 % de notre inventaire. Soyez assuré que nous nous efforçons de fournir ces renseignements spécifiques à chaque produit visé au fur et à mesure qu’ils nous sont transmis par leur fabricant. |
Comme aide-mémoire de vos obligations, je vous réfère au site du CCCD.
2. Un inventaire des garanties
Deuxièmement, nous vous suggérons de commencer à dresser l’inventaire des produits sur lesquels vous pouvez offrir cette fameuse garantie de disponibilité. Il est à votre avantage de rendre cette information disponible aux consommateurs pour favoriser une bonne relation avec eux et ne pas offrir sur un plateau d’argent un avantage concurrentiel aux autres magasins.
Notre conseil : bornez-vous à offrir une telle garantie aux produits d’une certaine valeur (par exemple, 100 $ et plus) et provenant de fabricants à propos desquels vous avez une grande confiance.
Suis-je en train de vous dire que nous devons nous conformer en agneau à cette mesure kafkaéenne? Non. Mais montrez de la bonne foi. Et donnez-nous du temps pour que le bon sens prenne le dessus.
Je suis confiant qu’avec toutes nos démarches et les vôtres, l’OPC sera enclin à ne pas imposer des pénalités dès le jour un, mais les clients, eux, motivés par les associations de droits de consommateurs ou d’amis avocats, pourraient ne pas avoir la même tolérance et entamer sinon des poursuites contre vous et vos fabricants, du moins le dépôt de plaintes pouvant nuire au climat en magasin et à votre réputation.
Et le fabricant?
Le manufacturier ou son distributeur doit rendre disponible en ligne les informations suivantes : indiquer si des pièces de rechange, un service de réparation et des renseignements en français sont disponibles, partiellement disponibles et pas du tout disponibles, puis donner des détails.
Encourager la qualité
Nos gouvernements pourraient et devraient, selon moi, combiner taxation des importations non durables, incitations à l’achat local , soutien aux ateliers de réparation locales et réglementations sur la durabilité afin d’élever la qualité dans lemarché et contrer les items « cheap » non réparables et peu durables. Cela éviterait que la seule variable de compétition soit le prix au détriment de la qualité et de l’environnement.
Comme PDG de Bien fait ici, j’ai d’ailleurs signé récemment une opinion à ce sujet. À lire ici.
Réunis cette semaine à Saint-Sauveur dans les Laurentides, la quarantaine de marchands membres de Castle, en présence de la haute-direction de la bannière, ont eu droit à une intervention du président de l’AQMAT pour les aider à se conformer aux nouvelles règles protégeant le consommateur. Si tout le monde convient de l’impossibilité de garantir la disponibilité des pièces de rechange et d’un service de réparation à partir de ce dimanche 5 octobre, les marchands ont saisi que l’inaction n’est pas non plus possible, les amendes et les poursuites devenant probables.