
L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) vient de diffuser dans son Bulletin de l’habitation ses Prévisions 2025-2026. En voici de larges extraits ponctués de précisions ou de commentaires apportées par l’AQMAT.
D’abord, l’association remarque que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a révisé son analyse des besoins en logements au Canada. Considérant les enjeux économiques et financiers auxquels fait face le secteur immobilier, il était devenu invraisemblable de rétablir l’abordabilité d’ici 2030. Le nouveau modèle est basé sur un horizon de 10 ans.
Les besoins en logements varient grandement d’une région à l’autre. Le nouveau modèle évalue les besoins en logements pour plusieurs régions métropolitaines, dont celle de Montréal. De plus, la SCHL fournit désormais des estimations du nombre de logements locatifs et destinés à la vente nécessaires pour rétablir cette abordabilité.
Montréal face à un défi colossal
Montréal est la région métropolitaine où l’écart dans l’offre de logements est le plus important. Pour rétablir l’abordabilité dans la région, il faudrait tripler les mises en chantier annuelles, et ce, pendant 10 ans. Cela représente plus de 72 000 nouveaux logements annuellement alors que la moyenne des dernières années est d’environ 23 000.
Dans le reste du Québec, la situation est moins critique. Si l’abordabilité était rétablie dans la région de Montréal et que les autres régions maintenaient leur niveau de mises en chantier au cours des 10 prochaines années, le niveau d’abordabilité redescendrait à 30 % d’ici 2035.
L’incertitude plane sur la construction
Après avoir menacé d’imposer des droits de douane de 25 % sur tous les produits canadiens dès novembre 2024, le président américain Donald Trump a mis ses menaces à exécution le 4 mars 2025, déclenchant une guerre commerciale avec le Canada et le Mexique. Le gouvernement canadien a rapidement riposté par une stratégie de représailles « dollar pour dollar ». Malgré plusieurs revirements de situation au cours des derniers mois et l’application de tarifs ciblés plutôt que généraux, le conflit commercial demeure préoccupant. Au Québec, les secteurs de l’aluminium et de l’acier sont particulièrement affectés, le bois d’œuvre également.
Toutefois, les effets négatifs du conflit commercial ne se matérialiseront que progressivement, croit l’APCHQ.
Si la situation persiste, la Banque du Canada prévoit des effets permanents, incluant une réduction des revenus des ménages canadiens, une perturbation des chaînes d’approvisionnement, une hausse de l’inflation et un affaiblissement du dollar canadien.
Ces effets entraîneront des répercussions à long terme sur la demande en habitation et la rentabilité des projets résidentiels.
Ralentissement de la croissance des frais de logement malgré la remontée de l’inflation
Le conflit commercial amorcé par les États-Unis avec le Canada, le Mexique et la Chine a déstabilisé les chaînes d’approvisionnement nord-américaines, ravivant les pressions inflationnistes qui semblaient relativement sous contrôle. Au cours du deuxième trimestre de 2025, les mesures d’inflation fondamentale utilisées par la Banque du Canada ont remonté à 3 %, un signe peu encourageant pour ceux qui attendaient d’autres baisses du taux directeur pour acheter une propriété.
La seule consolation dans les données sur l’inflation est le ralentissement de la croissance des frais de logement. Après avoir atteint un sommet en mars 2024 avec une hausse annuelle de 7,6 %, l’augmentation des frais de logement en juin 2025 était de 4,7 %.
Commentaire : 4,7 % demeure plus élevé que les hausses moyennes des salaires dans la population québécoise en général, lesquelles sont estimées à 3,58 % par la Chaire en macroéconomie de l’UQAM, à 3,7 % par la firme RH Normadin Beaudry et à 3,3 % par le Conseil du Patronat du Québec.
Si la hausse de l’inflation persiste au cours des prochains mois, cette dernière pourrait se répercuter sur les loyers et les taux hypothécaires.
De l’optimisme à la stagnation : portrait du marché de l’emploi québécois
Après une année 2024 difficile, l’année en cours laissait présager un retour à l’équilibre sur le marché de l’emploi.
Toutefois, l’incertitude économique entourant le conflit commercial a réduit significativement les intentions d’embauche au Québec : on le remarque notamment par l’augmentation du taux de chômage qui atteignait 6,3 % au Québec, le plus élevé des quatre dernières années.
Du côté de la demande en main-d’œuvre, le taux de postes vacants fait du surplace depuis le début de l’année. On dénombre en moyenne environ 120 000 postes vacants au Québec depuis janvier 2025, représentant 3 % de la demande en main-d’œuvre. En comparaison, le nombre moyen de personnes au chômage est de plus de 290 000.
Des ventes immobilières en hausse malgré tout
Selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), plus de 48 000 maisons unifamiliales et unités en copropriété ont été vendues au cours de la première moitié de 2025, une hausse de 12 % par rapport à la même période en 2024. Le prix médian des propriétés continue de grimper, notamment pour les maisons unifamiliales. Les membres de l’APCHQ notent également une hausse de l’achalandage de leurs bureaux de vente pour les projets résidentiels neufs.
Le marché locatif toujours sous pression
En juin dernier, Statistique Canada a publié pour la première fois ses estimations expérimentales des loyers demandés. Contrairement aux données de la SCHL sur les loyers payés par l’ensemble des locataires, ces données sont plus représentatives de l’offre en logements locatifs.
Au cours de la dernière année, les loyers demandés se sont stabilisés dans la région de Montréal. Toutefois, les hausses des années précédentes pèsent lourdement sur le budget des locataires. Le loyer demandé moyen pour un 4 ½ a atteint 1 930 $ au premier trimestre de 2025, une hausse de 45 % par rapport à la même période en 2020.
Dans les régions de Québec, Gatineau et Sherbrooke, on observe des hausses encore plus importantes qu’à Montréal depuis la pandémie.
Hausse marquée des coûts de construction
Au cours de la première moitié de 2025, les coûts de construction résidentielle ont augmenté plus rapidement que dans les autres provinces canadiennes. De janvier à juin, les coûts ont augmenté de 4,3 % au Québec, comparativement à une hausse de 1,6 % durant la même période en 2024.
Cette augmentation marquée est préoccupante puisqu’elle se reflétera inévitablement sur les prix de vente et les loyers des nouvelles constructions.
Modernisation promise, obstacles financiers maintenus
Le nouveau gouvernement fédéral a placé la barre haute durant les élections, promettant de moderniser le secteur de la construction résidentielle et de doubler les mises en chantier annuelles au Canada. Les changements nécessaires pour y parvenir prendront du temps, alors que les besoins sont pressants.
De plus, la SCHL a annoncé en juillet dernier des hausses importantes des primes d’assurance prêt hypothécaire pour la construction d’immeubles locatifs. Pour certains projets assurés par la SCHL, ces primes pourraient même doubler. Cette hausse s’ajoute à la longue liste d’enjeux que connaît le secteur depuis quelques années, dont la hausse des coûts de construction durant la pandémie et l’augmentation des coûts de financement au cours des années subséquentes.
Le gouvernement Carney a également promis un allégement de la taxe sur les produits et services (TPS) pour l’achat d’une première habitation. Cette mesure, annoncée en mars dernier, n’a toujours pas été approuvée par le Parlement canadien.
Contre vents et marées, hausse des mises en chantier au Québec
Le secteur de la construction neuve a été résilient face à l’incertitude économique au cours de la première moitié de 2025. Par rapport à la même période en 2024, les mises en chantier ont augmenté de 35 % avec près de 26 000 nouveaux logements en construction.
Source : SCHL
On note d’ailleurs des hausses dans presque toutes les régions du Québec.
La région métropolitaine de Drummondville se démarque des autres grands centres urbains du Québec avec une croissance des mises en chantier de 82 % au cours des six premiers mois de 2025. L’année dernière, la région avait également connu la plus forte croissance parmi les régions métropolitaines du Québec, avec une hausse de 64 %.
La région métropolitaine de Montréal avait connu une reprise timide en 2024, un résultat plutôt décevant considérant ses besoins importants en logements. Durant la première moitié de 2025, les mises en chantier ont connu une hausse de 35 % dans la région.
Laval se démarque particulièrement avec une augmentation de 154 % des mises en chantier, comparativement aux baisses de 28 % dans l’agglomération de Longueuil et de 22 % sur l’île de Montréal.
Tout comme l’année dernière, les projets résidentiels locatifs demeurent le principal vecteur de croissance pour la construction neuve. C’est d’ailleurs au Québec que les promoteurs immobiliers sont les plus optimistes en ce qui a trait aux perspectives du marché locatif.
Au cours de la première moitié de 2025, plus de 80 % des logements mis en chantier étaient destinés à la location.
Le marché des maisons unifamiliales neuves connaît une reprise soutenue en 2025. Toutefois, le nombre de mises en chantier demeure bien en dessous de la moyenne pré pandémique. De son côté, la copropriété neuve connaît des difficultés plus importantes qu’anticipées. En juin 2025, il y avait près de 1 600 unités neuves livrées toujours invendues dans la région métropolitaine de Montréal.
Pour le président de l’AQMAT, il convient de mettre des bémols avant d’affirmer que le Canada vit une grave crise du logement : « Produire beaucoup de logements neufs n’aide pas toujours les ménages à faible revenu si ce qu’on construit est cher ou mal ciblé. »
Selon Richard Darveau, « Le Canada présente un déficit d’abordabilité, surtout ressenti par les ménages à faibles revenus, ainsi que de logement social ou subventionné. »
Prévisions des dépenses en rénovation résidentielle
Contrairement à la construction neuve, la rénovation résidentielle n’a pas connu une forte croissance en 2024. Les ménages et les propriétaires fonciers québécois ont dépensé un total de 19,1 milliards de dollars en rénovation, une baisse de moins d’un pour cent par rapport à l’année précédente.
Tableau réalisé par l’APCHQ. Source : Statistique Canada
L’enquête réalisée à la fin de l’année 2024 avec RénoAssistance sur les intentions de rénovation révélait que près de 70 % des répondants envisageaient d’entreprendre des travaux de rénovation ou d’entretien plutôt que d’acheter une autre propriété pour répondre à leurs besoins. La hausse des prix des logements et des taux d’intérêt ces dernières années a certainement rendu la rénovation plus attrayante.
Les résultats du sondage réalisé auprès des membres de l’APCHQ, en mai 2025 indiquent une hausse du nombre d’entrepreneurs en rénovation résidentielle anticipant une augmentation de leur volume d’affaires durant la deuxième moitié de 2025.
À l’instar de la construction neuve, le secteur de la rénovation résidentielle semble lui aussi résilient aux perturbations économiques que nous connaissons depuis le début de l’année. On observe une hausse de 19 % des dépenses en rénovation au Québec durant les six premiers mois de 2025 par rapport à la même période l’année précédente. En comparaison, nous avions prédit en janvier dernier des hausses de 6 % et 4 % en 2024 et 2025, respectivement.