Après trois semaines de grève : les syndicats et l’APCHQ s’accusent au lieu de s’entendre

« Bien triste de constater qu’on est encore dans un cul-de-sac et que les chantiers avancent au ralenti alors que le printemps s’installe et que la crise du logement continue de sévir. Les uns et les autres savaient pourtant que la convention collective venait à échéance le 30 avril. C’est pathétique. Nous sommes en otage. »

Richard Darveau ne cache pas sa déception devant des négociations qui ne progressent pas dans le secteur résidentiel et que le mouvement de grève est maintenant âgé de trois longues semaines, ce à une période névralgique pour notre industrie et les citoyens.

Dans les secteurs industriel, institutionnel/commercial et génie civil/voirie, l’Alliance a

déjà négocié des conventions renouvelées avant le 30 avril, contrairement à la situation dans le résidentiel.

Devant des juges plutôt qu’en médiation

La semaine prochaine, le Tribunal administratif du travail (TAT) Québec tiendra une audience de fond portant sur deux plaintes majeures déposées par l’Alliance syndicale de la construction contre l’APCHQ (Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec), l’accusant de mauvaise foi dans les négociations collectives ainsi que d’entrave syndicale. 

L’Alliance réclamait initialement une ordonnance provisoire, mais un accord daté de mardi, suggéré par la juge administrative Jessica Laforest, l’a poussée à retirer cette demande pour aller directement en fond.

Deux griefs visent l’APCHQ :

  1. Négociation de mauvaise foi : selon l’Alliance, l’APCHQ traîne les pieds, retarde les négociations et tolère que des entrepreneurs offrent aux ouvriers du résidentiel des salaires supérieurs, correspondant aux conditions du secteur commercial — en motif de contournement du droit de grève.
  2. Entrave aux activités syndicales : l’Alliance reproche à l’APCHQ de s’immiscer dans ses pratiques syndicales, notamment en empêchant la soumission d’une offre finale au vote des membres.

Inversement, l’APCHQ a elle aussi lancé une plainte contre l’Alliance, accusée de vouloir l’obliger à soumettre aux travailleurs sa dernière offre.

Précisons que contrairement aux autres industries, la construction n’accorde pas de rétroactivité salariale, et le Code du travail ne régit ni le maintien au travail ni l’arrêt des chantiers durant une grève. Un travailleur peut faire la grève ou travailler, un patron peut ouvrir ou fermer un chantier à sa guise. 

Enjeux et spécificités

  • L’absence de rétroactivité salariale rend la perte de revenu immédiate pour les travailleurs dès l’expiration de la convention.
  • L’exception à la protection contre l’entrave dans cette industrie permet à toute partie de contourner librement les grèves ou fermetures.

À suivre

L’audience au TAT débutera dès la semaine prochaine. Elle permettra de déterminer si l’APCHQ doit être obligée de négocier de bonne foi et d’éviter toute forme d’entrave envers l’Alliance, tandis que l’enjeu inverse — le devoir de l’Alliance de soumettre son offre finale au vote — sera également évalué.

Ce procès pourrait établir des limites claires quant aux obligations de bonne foi et aux activités syndicales dans le secteur résidentiel, et servir de référent pour la suite des relations industrielles au Québec.

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