Deux semaines plus tard, la grève se poursuit dans la construction résidentielle

Depuis le 28 mai 2025, les 66 000 travailleurs du secteur de la construction résidentielle sont en grève générale illimitée, à la suite de l’échec des négociations avec l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).

Le préavis émane de l’Alliance syndicale, regroupant les principales centrales : FTQ‑Construction, CSD, CSN, SQC et International. Un mandat de grève massif de 83,8 % avait été confirmé par scrutin secret.

Revendications salariales et enjeux financiers

L’Alliance réclame des augmentations substantielles : 8 % dès 2025 pour le résidentiel « lourd » (5 et 6 étages) et 8,35 % pour le résidentiel « léger » (4 étages et moins), avec un total envisageable de 18 à 24,35 % sur quatre ans

Ces hausses, soutient la partie syndicale, compenseraient les pertes subies par les travailleurs depuis le 30 avril, date d’expiration de la convention collective : en l’absence de rétroactivité salariale, les travailleurs perdraient en moyenne 145 $ par semaine.

L’APCHQ, de son côté, estime de telles demandes « irréalistes », évoquant un surcoût d’environ 55 000 $ par nouvelle maison unifamiliale. Les autres secteurs (commercial, industriel, génie civil) ont conclu des ententes offrant jusqu’à 22 % sur quatre ans, mais l’APCHQ invoque la capacité de payer des ménages, plus limitée que celle des clients institutionnels ou privés.

Impact sur les chantiers et tensions légales

Curieusement, la loi R‑20, spécifique à la construction, n’interdit pas les briseurs de grève, autorisant travailleurs et employeurs à poursuivre leur activité même en période de conflit.

Le ministre Jean Boulet confirme l’exercice de ce droit : de nombreux chantiers résidentiels restent en activité malgré la grève.

Toutefois, la situation demeure tendue : l’Alliance envisagerait de déposer une plainte pour négociation de mauvaise foi contre l’APCHQ, l’accusant de traîner les pieds dans la démarche de consultation de ses membres.

Cette semaine, l’Alliance syndicale et l’APCHQ se sont réunies plusieurs fois à la table de négociation.

Après une 8e offre globale déposée par l’APCHQ, l’Alliance a présenté une nouvelle proposition. L’Association prendra le temps de l’analyser. Dans un souci de poursuivre la démarche et de préserver les avancées réalisées, l’APCHQ prépare une réponse spécifique, qu’elle déposera incessamment à l’Alliance syndicale.

L’APCHQ rappelle que cette démarche est une négociation, ce qui implique que les deux parties doivent tendre au rapprochement.

Rôle du gouvernement et options légales

Le ministre Boulet a nommé une médiatrice pour tenter de débloquer le conflit ; des rencontres sont en cours. Il s’agit de Karine Lavoie, une médiatrice‑conciliatrice indépendante rattachée à la Direction de la médiation, de la conciliation et des services de relations du travail au sein du ministère du Travail du Québec.

Il n’exclut aucune option, y compris le recours à une loi spéciale imposant un retour au travail, si nécessaire. Par ailleurs, il appelle à privilégier l’arbitrage — déjà accepté par l’APCHQ, mais rejeté jusqu’ici par l’Alliance.

Perspectives et risques

  • Délais de construction : plus de 48 000 logements seraient menacés d’arrêt, aggravant la crise du logement au Québec.
  • Mobilisation syndicale : manifestations spectaculaires ont eu lieu début juin (quelques centaines à 1 000 militants, klaxons et slogans), soulignant la combativité des travailleurs.
  • Cœur du conflit : le principal point de friction reste le salaire, avec l’absence de rétroactivité et l’inclusion éventuelle de mesures légales pour encadrer ou contraindre.

Richard Darveau, président de l’AQMAT, résume la situation :

« Ce conflit oppose des revendications salariales jugées ambitieuses par les travailleurs, à des préoccupations financières exprimées par les employeurs et les ménages. Le gouvernement joue un rôle crucial : il cherche à favoriser la médiation, envisage l’arbitrage et peut recourir à des mesures législatives. Le dénouement pourrait survenir rapidement — ou la situation pourrait encore s’enliser, avec des impacts concrets sur les chantiers et le marché du logement, et par à-coup, sur l’achalandage printanier dans les centres de rénovation. »

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