Pour raccourcir et moderniser notre chaîne d’approvisionnement : projet de plateforme transactionnelle

B2B2C

La crise sanitaire révèle un bon nombre d’irritants que la solidarité et les technologies modernes pourraient amoindrir. C’est en tout cas ce que croient la direction de l’AQMAT et les experts que nous avons retenus pour expérimenter un « marketplace » virtuel respectant les joueurs existants (marchands, bannières, distributeurs et fabricants) et visant un double objectif qualitatif : favoriser l’achat local grâce au maillage entre entreprises complémentaires et rendre plus rapidement à bon port un article de quincaillerie ou un matériau de construction grâce à une infrastructure virtuelle et logistique transparente, cohérente et efficiente.

Afin de ne pas s’éparpiller, la phase 1 du projet va utiliser les produits accrédités par le programme « Bien fait ici ». On sait que déjà, une centaine de manufacturiers ont inscrit plus de 600 gammes de produits totalisant plus de 6000 items ou « sku » qui ont en commun de respecter les codes et normes de construction et de santé publique d’ici tout en satisfaisant les critères du « Fait au Canada » ou « Made in Canada », à savoir qu’au moins 51 % de la valeur totale de leur dernière transformation majeure a été réalisée dans une usine au pays.

Le projet entend répondre au comportement observé chez le consommateur depuis la progression de plateformes comme Amazon, Wayfair, Alibaba, etc. : le client recherche plus souvent un produit, voire une marque qu’un magasin en particulier. Si le site est doté d’un moteur de recherche bien adapté au marché sectoriel qu’il prétend couvrir et qu’il expose objectivement les caractéristiques des produits, c’est déjà deux points gagnants. Si ensuite le site contient une masse critique de produits liés au secteur, c’est un troisième point marqué. Ces trois points sont déjà enregistrés par le site www.ici-here.ca mis en ligne avec l’aide de l’AQMAT.

Sauf que si le site, comme présentement, n’affiche pas les prix de vente, n’est pas transactionnel, ne permet pas la livraison à des conditions avantageuses, il est bancal; les visiteurs de ici-here.ca sont heureux de l’information qu’ils y trouvent, mais voudraient compléter leur action en se procurant l’article.

« Plus facile à dire qu’à faire », se défend Célie Cournoyer, directrice des opérations de « Bien fait ici ». Explications.

Sur le plan technique, tous les produits répertoriés selon leur  codification universelle, peu importe les numérotations modifiées que leur attribuent les bannières. C’est ainsi qu’on les repérera et qu’on attirera aussi la clientèle professionnelle (architectes, designers, ingénieurs, entrepreneurs, etc.), habituée à une telle nomenclature.

Autre point technique incontournable, l’inventaire des points de vente physiques associés à la démarche doit être connecté en temps réel au stock disponible apparaissant sur la plateforme virtuelle.

Sous un angle, disons, plus politique, aucun manufacturier listé chez une ou plusieurs des bannières majeures en quincaillerie ne mettra à risque son réseau traditionnel en se positionnant sur le web comme une entreprise qui vend directement aux consommateurs. Comme on dit, on ne lâche pas la proie pour son ombre.

Les ventes en lignes, certes, progressent en ce moment à des pourcentages de croissance frôlant les 100 %, mais remettons les choses en perspective : avant la pandémie, dans notre marché, le cybercommerce dépassait à peine 5 % des ventes totales. Donc, il ne s’élève aujourd’hui en moyenne qu’à 10 %.

Pour dorer la pilule et inciter les groupements d’achats à s’engager dans le nouveau programme ou du moins, à ne pas lui nuire, le système devra accorder aux bannières leur habituel pourcentage.

Enfin, le mode de livraison doit clairement avantager la cueillette en quincaillerie afin de générer non seulement des revenus pour ces dernières, mais aussi de l’achalandage.

« L’AQMAT ne peut être associée à une initiative qui pourrait nuire aux intérêts des marchands membres », insiste Richard Darveau. Le président et chef de la direction rappelle que l’association appartient à ses membres et 80 % d’entre eux sont des propriétaires-marchands de quincailleries et de centres de rénovation. Partant, « je rassure tout le monde, le projet comporte une condition sine qua non, celle d’aider nos détaillants à s’inscrire dans ce mouvement de ferveur que le commerce en ligne connaît ».

Enfin, même si le bébé répond à toutes les caractéristiques énumérées et bien d’autres, le projet doit être assis sur de solides fondations financières afin de se faire connaître. L’ultime condition de son succès dépend donc d’un coup de pouce du gouvernement du Canada afin de compter sur un budget de marketing et de développement technologique suffisant pour lancer avec succès les trois premières années.

« En toute transparence face aux membres de l’AQMAT et aux partenaires de « Bien fait ici », il faut choisir la bonne fenêtre de temps pour soumettre officiellement le projet à l’analyse de la machine fédérale », indique M. Darveau. « Or, toute la fonction publique et la classe politique sont occupées – et préoccupées – par la COVID-19. Soyons patients et indulgents, le bon moment viendra », promet-il.

Selon Richard Darveau, à la fois dirigeant de l’AQMAT et initiateur du programme « Bien fait ici », il existe au pays « peu de filières peuvent revendiquer un projet de type Amazon, mais sectoriel, outre l’agro-alimentaire et le nôtre ». Ailleurs, la délocalisation et la sous-traitance internationale ont pris une telle place que trop peu de produits en boutiques de vêtement, en articles de sport, en pharmacie ou dans l’automobile peuvent satisfaire le « Fait au Canada » pour constituer un bon volume ».

B2B2C

Tenter seul d’attirer des acheteurs dans l’ombre de ces géants coûte cher en temps et en argent. En revanche, plus de 100 manufacturiers offrant des milliers de produits dans un secteur spécifique comme le nôtre et reliés sur 2000 points de vente physique peut rendre plus gérables les risques inhérents à tout projet.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *