Était-ce ma grand-mère qui disait tout le temps « Ce qui traîne se salit » ou ai-je gardé dans un tiroir de mémoire cette citation trivialement tirée d’une lecture du dimanche? Peu importe, je l’aime beaucoup. Elle porte une sagesse. D’où sans doute le lien que je crée ou que je fabrique avec mon ancêtre…
Le gouvernement a traîné avec cette histoire estudiantine au point de lui donner un h majuscule. Et l’apport qu’il souhaitait obtenir des étudiants à la facture de l’éducation s’est transformée en frais directs supplémentaires de sécurité publique et coûts sociaux indirects plus lourds de conséquence encore.
Dès le début, il aurait dû s’attaquer au principe même du droit de grève accordé à un étudiant, c’est-à-dire à un non-travailleur. Il a plutôt attendu longtemps et a attaqué ce point en en appelant à la sémantique des mots plutôt qu’à la légalité du phénomène.
S’agissant d’école, il aurait dû lui-même faire ses devoirs et vérifier si la contribution actuelle payée par nos étudiants était réellement moins élevée qu’ailleurs en Canada. Car rien n’est moins sûr quand on contextualise.
Par exemple, les étudiants d’Alberta ou d’Ontario paient effectivement plus cher que les nôtres. Environ 3000 $ de plus par année. Mais le revenu moyen de la famille albertaine est de 19 500 $ supérieur à celui d’une famille québécoise. L’écart est moindre avec l’Ontario, mais il est quand même de l’ordre de 6000 $.
Comme on dit: toute chose étant égale par ailleurs…!
Et tant qu’à se comparer, pourquoi niveler par le bas et vouloir ressembler à des provinces ou à des États qui ne sont pas considérés avancés par rapport à la culture et aux valeurs québécoises? Les peuples qu’on envie généralement ou dont on s’inspire pour développer une foule d’activités au Québec viennent bien plus souvent de l’Allemagne, de la Suède et d’autres nations auxquelles on veut se frotter.
Avant d’affirmer que toute hausse n’aurait d’impact sur la fréquentation, le gouvernement actuel aurait aussi dû regarder ce qui est arrivé au lendemain de la dernière augmentation substantielle des droits de scolarité en 1992-1993, alors qu’ils ont triplé, passant selon Statistique Canada de 519 $ à 1 630 $, en dollars courants. La fréquentation universitaire qui avait atteint 171 408 étudiants n’était plus qu’à 159 850 lors de la cohorte 1997-1998, donc en diminution de 6,7 % pendant cette période.
L’étude, justement menée pour le compte du ministère de l’Éducation en juin 2007 par le département d’économie de l’Université Sherbrooke conclut noir sur blanc qu’en prenant en compte l’aide financière aux études et les outils fiscaux, une hausse des droits de scolarité au Québec pour parvenir à la moyenne observée dans le reste du Canada aurait des effets sur l’accessibilité, c’est-à-dire une baisse de la fréquentation, du même ordre que lors de la hausse des droits qu’a connue le Québec au début des années 90.
Ce sont les vagues de hausses brutales qui ont l’effet d’une douche froide. La douzaine de milliers d’universitaires perdus représente un retard avec lequel on vit encore. Toutes les statistiques montrent que pour chaque tranche de revenu familial, le Québec est derrière la moyenne canadienne quant au nombre d’individus aux études supérieures. Est-ce vraiment le moment d’en refroidir d’autres?
Je disais que ce qui traîne se salit. Pas toujours vrai. À preuve, cette étude, on aurait dû la glisser sous la porte du bureau de la ministre Beauchamp. Ça aurait peut-être changé le cours de sa vie politique, permis de rapprocher les belligérants et nos jeunes seraient en classe en ce moment à l’issue d’une négociation reposant sur le sens commun et le partage ouvert des données financières et autres.