Solution politique facile pour aider nos quincailleries à ne pas mourir devant Amazon

Aux lendemains du premier débat télévisé où peu ou pas de place a été consacré à l’habitation – pourtant aux premières loges des soucis de la population – le président de l’AQMAT a écrit aux différentes formations politiques. L’argumentaire de Richard Darveau est essentiellement basé sur les résultats d’une enquête expresse à laquelle ont répondu 100 quincailliers et leurs fournisseurs ces derniers jours. Voici de larges extraits de sa missive qui sera assurément reprise dans les prochaines heures par certains médias.

Les marchands concèdent la victoire à Amazon et consorts sur trois plans: l’ouverture 24 h sur 24, l’étendue de l’inventaire et la logistique de livraison.

En effet, face aux plateformes virtuelles, aucun magasin physique ne sera autant ouvert, n’aura autant de choix et ne livrera à domicile avec autant d’efficacité qu’Amazon, Wayfair et autres. Et la plupart des commerces, même les grandes chaînes, mènent difficilement une guerre de prix contre ces «marketplaces».

Alors, que reste-t-il aux commerces de détail, en particulier aux quincailleries et aux centres de rénovation indépendants, pour gagner les consommateurs, du moins arrêter d’en perdre?

Du personnel compétent et dédié, voilà leur carte-atout. Le contact humain et cette connaissance de l’expert.

Un service personnalisé à chaque problème relaté, à chaque projet soumis ne peut se vivre sur le web dont l’intelligence demeurera, l’expression le confirme, bien artificielle à comparer au plaisir et à la satisfaction d’échanger en magasin avec un humain qui partage notre passion, et qui en connaît plus que nous.

Sauf que la loi actuelle qui permet aux magasins d’ouvrir sept jours et tous les soirs de semaine vient contrecarrer toute volonté de servir le client au niveau de ses attentes d’expertise et d’engagement relationnel.

Ouvrir 83 heures par semaine épuise patrons et employés, handicape les propriétaires-marchands dans leur recrutement et la rétention des talents en plus d’hypothéquer leurs chances de trouver une relève.

Comme le reste de la population, tous les employés des quincailleries aspirent à un équilibre entre leur emploi, leur famille, leurs amis et leurs loisirs. Ils veulent travailler entre 35 et 40 heures par semaine, pas 83 heures.

Tant qu’il ne modifiera pas la Loi sur les heures et les jours d’admission dans les établissements commerciaux, le gouvernement nuira à la compétitivité des magasins physiques en les empêchant d’offrir aux consommateurs et aux entrepreneurs en construction l’expertise qu’ils recherchent en magasin. Car ouvrir tous les jours, pratiquement tous les soirs, avec cette rareté de main-d’œuvre, force le commerce à embaucher à peu près n’importe qui disponible, intéressé ou pas par la rénovation. L’expérience attendue s’en trouve diluée. La quincaillerie perd alors le seul avantage concurrentiel dont elle dispose pour rivaliser avec Amazon.

Certes, il est possible en ce moment d’ouvrir moins d’heures par semaine. Mais si le commerce d’en face ouvre tel soir ou à partir de telle heure, on n’a souvent de choix que de l’imiter. Et s’en suit du maraudage des trop rares employés d’expérience…

S’entendre à l’amiable entre commerces concurrents pour convenir du même horaire aurait pu être une option tacite, mais le Bureau de la concurrence a récemment statué qu’une telle collaboration relevait de la collusion, aussi illégale et passible d’amende et de prison que le fait de fixer ensemble des prix.

Nos commerces sont donc souvent condamnés à ouvrir trop d’heures et de jours par semaine que ce qu’ils devraient ou pourraient, ce qui réduit leur marge financière pour offrir à leurs employés des salaires et des horaires convenables. La valeur nette de leur établissement au moment de sa vente s’en trouve également grevée.

Outre ces frais d’opération plus élevés, l’ouverture 7 jours et pour de longues heures expose le magasin encore plus aux vols et aux fraudes en raison d’un ratio employés/clients trop faible et de l’embauche de personnel « bouche-trou » qui n’ajoute aucune valeur à la relation client. Pire, qui parfois devient complice de malfaiteurs.

L’enquête express menée par notre association montre que le tiers des marchands et de leurs fournisseurs élève au premier rang de leurs préoccupations cette fameuse question des trop longues heures légales d’ouverture que laisse faire le gouvernement.

La relative inaction de l’État face aux géants du web fait que les commerces qui ont pignon sur rue ne luttent pas à armes égales. Par exemple, Amazon ne paie rien pour la construction et l’entretien des routes que son réseau emprunte et qui sont payées par les taxes et impôts des marchands et de leurs clients.

Nous disons aux politiciens de tout parti – et aux organisateurs du deuxième débat – de se soucier, avant qu’il ne soit trop tard, de la survie des vrais commerces, ceux qui font vivre l’esprit des quartiers urbains autant que des villages.

Nous leur disons aussi d’adopter des mesures-garrot face à l’étiolement du tissu manufacturier afin de réduire notre vulnérabilité devant une géopolitique qui s’annonce plus volatile et des changements climatiques aux accents plus incidents qu’avant. »

One comment on “Solution politique facile pour aider nos quincailleries à ne pas mourir devant Amazon

  1. Dominique Bélanger on

    C’est une position claire, bien représentative de notre réalité, sur les enjeux de notre industrie sur le court, moyen et long terme. Merci de voir à nos intérêts et à notre avenir en tant que détaillant.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *