Un RONA tente de récupérer 770 000 $ à coups d’hypothèques légales

Dans notre infolettre de vendredi dernier, nous parlions de la problématique des délais de paiement et de l’option pour les centres de rénovation de se prémunir contre toute faillite, frauduleuse ou non, contre les constructeurs de maisons qui achètent des matériaux à crédit. La faillite colossale du constructeur Habitations Novadomus nous force à revenir sur le sujet.

Pour arriver à obtenir le paiement des matériaux livrés sur le chantier du promoteur à Cowansville, un centre de rénovation RONA – dont nous tairons l’identité – exerce son droit de saisie des maisons auprès des propriétaires. Ce faisant, les médias, dont La Voix de l’Est, ne lui donnent pas le meilleur des rôles.

Entre autres, voici comment le quotidien de Granby relate les faits relatifs à un des nombreux ménages impliqués dans l’affaire Novadomus :

« Le géant de la quincaillerie avait fait enregistrer une hypothèque légale sur la maison, évaluée à près de 360 000 $, en décembre dernier. En février, il avait signifié au couple et aux Habitations Novadomus un préavis d’exercice d’un recours hypothécaire de vente sous contrôle de justice de la maison. La faillite de l’entrepreneur général, en avril, a envoyé la totalité de la dette dans la cour de Nathalie et de son conjoint Jean-Benoit (aussi un nom fictif). Ce faisant, RONA réclame leur expulsion et la vente sous contrôle de justice de la maison pour se payer. »

Il est vrai que les apparences jouent contre le magasin puisqu’un citoyen qui a dûment payé sa maison doit de nouveau mettre la main dans sa poche si son « contracteur » a fait défaut de payer les matériaux commandés au centre de rénovation. « Aux yeux du public, on a l’air des gros méchants », commente Richard Darveau, au nom des marchands membres de l’AQMAT. « Mais en réalité, le fautif, c’est le constructeur qui, par mauvaise gestion ou intention de fraude, a roulé le magasin ».

Rappelons la loi : le RONA avait au plus 30 jours après la fin des travaux pour enregistrer une hypothèque légale auprès des citoyens qui attendent leur maison, ce qu’il a fait. N’eut été de cette dénonciation, le magasin n’aurait eu aucun recours pour recouvrer son argent et perdait jusqu’à 770 000 $.

Les couples ont 15 jours pour régler l’hypothèque légale ou répondre à la requête, faute de quoi un jugement par défaut pourrait être rendu en faveur de RONA.

Le pire dans l’affaire, c’est que les maisons en question ne sont pas complètement terminées. Heureusement, depuis la mise en place de Garantie Construction résidentielle, la tâche de les terminer relève de cet organisme.

Qu’est-ce qu’une hypothèque légale au juste?

L’hypothèque légale, qui doit être déposée au plus tard 30 jours après la fin des travaux de construction ou de rénovation, est considérée comme une créance prioritaire, comme les taxes et les impôts. Elle a donc préséance sur d’autres dettes, comme une hypothèque régulière émise par une institution financière.

À noter que la valeur de l’immeuble neuf inclut la plus-value des travaux réalisés. De ce fait, les chances de récupérer son dû sont plus grandes que lorsqu’on poursuit son débiteur.

Vérifier avant pour éviter des ennuis plus tard

Mieux vaut faire preuve de prudence au moment où on décide d’acheter une maison neuve, suggère Me François Bibeau, président de la Chambre des notaires du Québec, interviewé par La Voix de l’Est.

Plusieurs vérifications peuvent être faites avant de signer un acte de vente avec un promoteur, rappelle le notaire. « Il peut être avisé d’aller chercher des références sur l’entreprise avec qui on souhaite faire affaire, de s’assurer qu’elle a une bonne réputation », illustre-t-il.

Me Bibeau suggère aussi de prendre le temps de lire et d’analyser l’offre d’achat, voire à consulter un notaire pour s’assurer que le tout est conforme. « Les gens n’ont pas tous la notion qu’une offre d’achat est un contrat où on s’engage à acheter un immeuble qu’un promoteur s’engage à nous livrer », dit-il. « Le notaire peut agir comme conseiller juridique, et peut donc mettre en garde un acheteur intéressé », poursuit-il.

Me Bibeau propose à un acheteur de demander les quittances des fournisseurs, c’est-à-dire un document qui prouve que ceux-ci ont été payés.

Clauses et assurance-titre

Il est également possible de faire inclure des clauses dans le contrat pour se protéger, par exemple de retenir un dernier paiement jusqu’à ce que le délai prévu par la loi pour déposer une hypothèque légale soit échu. C’est une méthode utilisée par plusieurs institutions financières, qui retiennent en moyenne un montant équivalent à 15 % du prêt hypothécaire, souligne Me Bibeau.

Le moment de la fin des travaux est d’ailleurs un concept flou et variable selon les individus. Les travaux sont-ils réputés terminés lorsque la maison est habitable ou bien lorsque toutes les touches finales et correctifs sont apportés ? « Déjà, tant que ce moment-là n’est pas officialisé, des hypothèques légales peuvent être enregistrées et d’autres fournisseurs peuvent être impayés à l’insu du notaire, et donc de l’acheteur », explique Me Bibeau.

La Chambre des notaires du Québec recommande au public de retarder le passage chez le notaire pour signer l’acte de vente. Dès qu’un citoyen signez l’acte de vente, il devient propriétaire et responsable des hypothèques légales qui pourraient être déposées par la suite. Du point de vue du consommateur, c’est donc une mauvaise idée d’acheter une maison dont les travaux ne sont pas en voie d’être terminés.

Il est possible de prévenir ce genre de situation en se procurant une assurance-titre chez le notaire au moment de l’acquisition. « Les acheteurs devraient toujours se prévaloir d’une assurance-titre lorsqu’ils sont chez le notaire. Ça leur permet d’être protégés si une hypothèque légale est déposée sur leur maison. C’est très peu dispendieux, on parle de peut-être 300 ou 400 $, et c’est bon pour la vie », explique Sylvain Paquette, porte-parole du Bureau canadien du crédit.

 Un système pour protéger aussi les travailleurs

Rappelons qu’il n’y a pas que les acheteurs qui sont perdants dans cette histoire. « Parmi les sous-traitants et les fournisseurs, il y en a peut-être qui pourraient faire faillite s’ils ne sont pas payés. Des gens pourraient perdre leur emploi. Les problèmes de paiement sont un véritable fléau pour tous ceux qui en sont victimes.

« Il faut se souvenir que le système actuel a été mis en place parce que des personnes impliquées dans la construction de maisons n’ont pas été payées, croit aussi Me Bibeau. C’est aussi fait pour protéger les travailleurs. »

Vignette photo d’entête : Habitation Novadomus est une entreprise de Brossard. Elle s’est vue retirer son accréditation décernée par Garantie construction résidentielle le 25 septembre 2018, notamment pour les retards dans la livraison des maisons neuves à St-Alphonse-de-Granby.

Crédit photo : La Voix de l’Est

One comment on “Un RONA tente de récupérer 770 000 $ à coups d’hypothèques légales

  1. Tony Levesque on

    Ce qui est malheureux dans cette histoire c’est que les propriétaires deviendront frileux lorsqu’ils entendrons parler de dénonciation de leur projet. En fait ça devrait être tout le contraire, ces processus sont la seule façon pour les fournisseurs de se protéger et d’assurer au propriétaire qu’ils prennent possession d’un immeuble dont les matériaux sont payés.

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