Où s’arrêtera la chute des prix dans le bois d’œuvre résineux?

Le titre peut surprendre, il est pourtant bien vrai. Dans son Bulletin économique du 9 octobre, le Conseil de l’industrie forestière du Québec se demande si, après avoir connu des sommets historiques, les prix du bois d’œuvre, surtout résineux, tomberont bas, mais vraiment bas. 

Les prix observés sur le marché du bois d’œuvre résineux ont connu en septembre un sommet sans précédent. Depuis, la tendance s’est inversée alors que l’indice Pribec a perdu près de 15 % en trois semaines.  

Lors des dernières « bulles », en 2013 et 2018, il s’est écoulé entre 12 et 20 semaines avant que la correction se termine. En 2013, les prix sont revenus pratiquement au même niveau qu’initialement alors qu’en 2018 les prix ont finalement reculé à 81 % de ce qu’ils étaient au départ.  

À la mi-octobre, soit au moment d’écrire ces lignes, les contrats à terme de bois d’œuvre prévus pour livraison en janvier 2021 s’échangent à un niveau 50 % plus bas que ceux de septembre, soit légèrement supérieur au prix qui prévalait en février 2020. 

Le marché du bois d’oeuvre est ainsi passé d’un record historique de 746 $ canadiens le 1000 PMP (pied mesure de planche) en juin dernier à 495 $ canadiens le 1000 PMP selon l’indice Pribec du 12 octobre, soit un prix qui se rapproche des coûts de priduction des scieries.  

« Une telle dégringolade qui risque sérieusement de ralentir les investissements dans les équipements de production qui avaient repris depuis 2016 », affirme Michel Vincent, l’économiste du CIFQ, dans une entrevue au journal Le Quotidien. 

Michel Vincent du Conseil de l’industrie forestière du Québec est ingénieur forestier, économiste et possède une maîtrise en finances.

M. Vincent rappelle au journaliste que les scieurs ont connu une excellente année en 2017 et un très bon début d’année 2018. « L’industrie a effectivement connu une très bonne période, mais elle a duré un peu plus d’un an, alors que la crise avait duré cinq ans et coûté 1G$ US à l’industrie canadienne que les scieurs américains ont récupérée sans investir un seul dollar. » 

« Ce que nous envisageons, reprend l’économiste, est une stabilisation des prix et la fin des chutes radicales comme celles que nous avons connues au cours des dernières semaines. Il n’y a pas d’indice d’une nouvelle hausse à court terme. Lors de la dernière crise, les prix avaient fléchi deux ans avant la récession. » 

Les producteurs canadiens et québécois, en raison de la vigueur des prix, pouvaient exporter tout en versant au Département du commerce une surtaxe de 20 % sur les exportations. L’argent est dans un compte en fiducie pour chaque entreprise. La chute des prix rend l’exercice beaucoup plus difficile, selon l’économiste, puisque les entreprises ne savent pas quand elles vont récupérer leur dépôt et si elles toucheront la totalité des sommes versées en surtaxe à la fin du litige.  

Les causes de la chute des prix sont multiples et découlent de la hausse des prix survenue aux États-Unis. La Suède, l’Allemagne et certains autres pays d’Europe ont exporté massivement sur le marché américain pendant que les scieurs de l’ouest du Canada reprenaient les livraisons. L’offre a ainsi monté rapidement alors que la demande est demeurée assez faible malgré la robustesse de l’économie américaine.  

« En ce moment, les mises en marché aux États-Unis sont toujours sous les moyennes historiques. Nous sommes donc dans une situation où il y a beaucoup de bois sur le marché et une demande très moyenne. Des facteurs limitent la hausse des mises en chantier et la demande devrait donc demeurer sous la moyenne historique. » 

En effet, les promoteurs immobiliers font aujourd’hui face aux États-Unis à des restrictions sur le développement de nouveaux projets domiciliaires. Les villes ont appris de la dernière crise et il y a de nouvelles politiques pour freiner l’étalement urbain. Les entrepreneurs en construction doivent de leur côté composer avec une grave pénurie de main-d’œuvre et ne sont pas en mesure d’accélérer les mises en chantier. Ce sont, selon Michel Vincent, deux freins sur lesquels il est impossible d’agir. 

Dans le litige sur le bois d’œuvre résineux, les États-Unis ont décidé de porter en appel la décision de l’Organisation mondiale du Commerce qui a récemment donné raison au Canada pour une neuvième fois en 40 ans. Selon les prétentions américaines, le bois canadien est illégalement et massivement subventionné en raison de la gestion publique des forêts pratiquée chez nous. Le dénouement de cette affaire pourrait avoir des répercussions sur la fixation des prix des commandes à venir.

Pour Pribec, le prix du marché, c’est le prix que paierait un acheteur pour un produit de même qualité vendu par un producteur dans des conditions semblables à celles d’un autre producteur.

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