Harcèlement au travail: une seule fois peut être de trop

Contrairement à ce que l’un pourrait être porté à croire dans une situation de harcèlement au travail, le caractère répétitif d’un acte n’est pas nécessairement mandataire. En effet, une seule fois peut être une fois de trop. Une information qui, selon l’AQMAT, doit absolument être portée à la connaissance de ses membres pour éviter que cela ne se produise dans leur organisation.

Pour comprendre plus clairement ce qu’il en est, voici ci un article du Groupe LeCorre & Associés Inc qui présente les situations de la sorte. 

Les dispositions de la Loi sur les normes du travail (« LNT ») concernant le harcèlement psychologique incluent la seule conduite grave, sans que la répétition des comportements, paroles, actes ou gestes ne soit nécessaire. Ainsi, une seule conduite grave, qui peut avoir des effets nocifs continus dans le temps et qui comporte pour le salarié une atteinte à sa dignité ou à son intégrité physique ou psychologique, peut être reconnue comme du harcèlement. Les conditions suivantes doivent donc être satisfaites afin de conclure qu’une seule conduite grave constitue du harcèlement psychologique :

  • il s’agit d’une conduite vexatoire au sens du premier alinéa de l’article 81.18 LNT;
  • cette conduite est grave;
  • cette conduite grave porte atteinte, soit à la dignité du salarié, soit à son intégrité physique ou psychologique;
  • cette conduite grave doit produire un effet nocif continu pour le salarié.

Même en présence d’une conduite grave portant atteinte à la dignité du salarié ou à son intégrité physique ou psychologique, une plainte de harcèlement sera rejetée si le salarié ne démontre pas que cette conduite grave a eu un effet nocif continu dans le temps pour lui. Pour faire cette preuve, il ne suffit pas au salarié d’alléguer qu’il a ressenti un mauvais sentiment passager lors de la survenance de l’événement en cause. En effet, il doit démontrer qu’en raison de cet événement, il a dû, par exemple, s’absenter du travail, consulter pour des problèmes psychologiques, ou encore, qu’il est devenu méfiant envers son milieu de travail.

Concernant l’importance pour un salarié de démontrer qu’une conduite grave a eu un effet nocif continu dans le temps, nous attirons votre attention sur deux décisions rendues en 2020 dans lesquelles des juges administratifs ont rejeté des plaintes de harcèlement psychologique, alors qu’ils avaient tout d’abord conclu que la conduite reprochée n’avait aucunement sa place dans un lieu de travail.

 

Dans Clark et Autobus E. Ménard et fils inc , le tribunal a conclu que les injures et les insultes racistes qu’un superviseur avait adressées au plaignant, un chauffeur d’autobus, lors d’une altercation constituaient une seule conduite grave. Toutefois, le tribunal a conclu qu’il ne pouvait présumer que cette altercation avait eu un effet nocif et continu pour le salarié, puisque ce dernier n’avait pas démontré qu’il avait été ébranlé par la conduite du superviseur et, au surplus, qu’il n’avait pas dénoncé cette conduite à son employeur. La plainte a été rejetée.

Dans El Tawil et LP Tech inc , la preuve avait révélé que le président de l’entreprise avait crié après le plaignant et l’avait poussé à deux mains lors de sa dernière journée de travail en lui disant de quitter les lieux. Selon le tribunal, il ne fait aucun doute qu’un tel geste, posé par la personne occupant le poste le plus élevé dans la hiérarchie, constituait une conduite vexatoire grave ayant porté atteinte à la dignité ou à l’intégrité physique du plaignant. Toutefois, comme ce dernier n’a pas démontré que ce geste avait produit un effet nocif continu pour lui, sa plainte a été rejetée. Le tribunal écrivait ce qui suit à ce sujet :

Toutefois, même s’il s’agit d’un comportement qui n’a aucunement sa place dans un milieu de travail, cela n’en fait pas automatiquement un geste de harcèlement psychologique. Pour en arriver à cette conclusion, le plaignant doit également démontrer que ce geste a produit un effet nocif continu pour lui.

À ce sujet, son témoignage est cependant sommaire. Il reconnaît avoir décliné l’offre d’aide psychologique des policiers et il rapporte que, lorsqu’il est revenu chez lui, il s’est senti fatigué, cassé, comme s’il n’avait plus d’avenir. Il ajoute qu’il n’avait plus d’appétit et qu’il ne voulait plus parler ni sortir et voir des gens, incluant sa conjointe et son fils. En somme, il dit être resté en retrait pendant un certain temps.

Avec égard, le Tribunal estime que cette preuve ne suffit pas pour conclure que les gestes de monsieur Dahnoun ont entraîné un effet nocif continu qui dépasse les désagréments inhérents à tout congédiement fait pour un motif illégal.

Ainsi, puisque cette condition essentielle de l’article 81.18 de la LNT n’est pas remplie, la plainte déposée par le plaignant en vertu de l’article 123.6 de la LNT est rejetée. »

Bref, le seul fait qu’un salarié ressente un malaise ponctuel à la suite d’une seule conduite grave est insuffisant pour conclure qu’il y a eu harcèlement psychologique.

Article complet disponible ici 

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