Des quincailliers inquiets et fâchés

D’une part, le gouvernement Legault ou les partis d’opposition à Québec semblent en faveur du statu quo, se disant que les marchands qui veulent ouvrir moins d’heures n’ont qu’à le faire s’ils le désirent et qu’à s’entendre sur un même horaire avec leurs concurrents.

D’autre part, le gouvernement du Canada, par le biais du Bureau de la concurrence, considère que de fermer les quincailleries le dimanche en s’entendant avec ses concurrents est un crime aussi grave que la fixation des prix. 

Il y a une expression militaire américaine qui parle alors de « Catch 22 », ce qui revient à dire que peu importe la décision, on se sent captif.

En effet, le marchand qui décide de suivre la parade et d’ouvrir sept jours s’essouffle, n’augmente pas sa valeur nette et perpétue un roulement élevé du personnel, ce qui entrave sa possibilité de concurrencer Amazon ou Costco et Walmart grâce à du personnel qualifié, donc expérimenté et enthousiaste.

On ne le dira jamais assez : ce qui distingue un commerce physique spécialisé d’une vente en ligne sur une plateforme générique ou dans un grand magasin à rayons, ce n’est pas le produit, on peut souvent trouver le même partout, c’est la connaissance des conseillers-vendeurs.

Les salaires en commerce de détail sont en moyenne 33 % plus bas que le salaire moyen au Québec, toute industrie confondue. S’il faut ajouter l’obligation de travailler les soirs et les week-ends, l’équation ne tient plus.

Comme employeurs, les commerçants ne sont pas plus chiches que les dirigeants de firmes de jeux vidéo ou des institutions financières ou des manufacturiers dans l’aéronautique. Ils ont juste moins de marge financière pour mieux rémunérer leurs effectifs.

Y a-t-il quelqu’un quelque part qui croit une seconde que dans son for intérieur, un marchand se dit : « J’adore payer le moins possible mes employés, surtout mes meilleurs! ». Mais non, cela n’existe pas.

Permettez que je cite cette propriétaire de magasin, dont je vais taire l’identité pour lui éviter des représailles, mais dont les quelques phrases (en anglais) traduisent, je crois, l’état d’esprit de tous nos membres :

I am beyond frustrated that this is the response by government officials to what is a critical problem. This is the perfect example of shortsighted individuals who DO NOT understand, or have to live with the realities of todays marketplace. I believe after having worked on the front lines of this pandemic, we should be afforded a little more consideration. We have remained on the front lines despite all the risk, cost, inconvience. We and our employees have been subjected to much harassment and bad behaviour by some clients. We now need to contend with a government that has too much time on its hands, and thereby turn against the very sector which has been present front and center supporting everyone in such trying circumstances.

Une enquête de La Presse+ a montré récemment que 53 % des mille personnes interrogées appuyaient la volonté que les quincailleries restent fermées les dimanches. Cette question posée à froid demandait en d’autres mots : aimeriez-vous perdre des options de magasinage? Or, malgré la dureté de la question, plus d’une personne sur deux s’est dite disposée à ne pas pouvoir aller à la quincaillerie les dimanches.

Mais si on contextualisait la situation en informant les répondants de ce que subissent les propriétaires de quincaillerie comme rythme de vie et comme stress financier. Et si on sensibilisait la population aux horaires impossibles qu’ils doivent imposer à leurs employés et à cette perpétuelle obligation d’embaucher du nouveau personnel. Pensez-vous vraiment que le taux d’appui resterait à 53 % ?

Une autre propriétaire de centre de rénovation m’écrivait ceci :

Je vous avoue avoir été stupéfaite/déçue/outrée de la communication reçue du bureau de la concurrence.  Comment oser nous menacer de la sorte dans le contexte actuel si ce n’est que par manque de jugement et de sensibilité envers les entrepreneurs? Sont-ils à ce point bien campés dans leur fameux bureau pour oublier totalement notre réalité? Je ne sais pas ce que l’AQMAT fera de cela, mais j’ose espérer que vous répliquerez comme vous savez si bien le faire à ce beau bureau de la concurrence. Désolée de cette intervention, mais je ne pouvais me taire, c’est venu trop me heurter. Et pour avoir reçu quelques appels aujourd’hui, je ne suis pas la seule.

En marge des nombreuses campagnes électorales, je vous assure que l’AQMAT va aller au front afin que la population devienne au courant de ce que nous vivons, de ce que nous voulons, et des avantages pour les citoyens de nous appuyer.

One comment on “Des quincailliers inquiets et fâchés

  1. Jacques Bernier on

    Pour ma part je suis convaincu que de rester fermé le dimanche est la meilleur option que nous avons.
    Je ne peux pas faire faire les dimanches et les samedis par mes plus vieux employés quand les jeunes veulent rien savoir
    On est rendu dans une société qui veut des services mais ne tient pas compte des obligations.
    On veut tout, on est exigeant et on a pas grand respect des autres.
    Faudrait bien que l’on considère les gens qui travaillent dans les hôpitaux, les enseignants, les ambulanciers, les pompiers, les policiers et tous les autres qui se plaignent des conditions difficiles dans lesquels ils travaillent.
    Nous dans les quincailleries où la compétition est féroce, nos marges de profits sont faibles que de fermer les dimanches nous donne un avantage très bien reçu de nos employés.

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