Dernière heure : la RBQ suspend toutes les licences et chantiers de Habitations Trigone

Après plus de 200 poursuites échelonnées sur vingt ans de mauvaises pratiques, le promoteur de projets résidentiels Habitations Trigone fait enfin l’objet d’une décision drastique de la part du bureau des régisseurs de la Régie du bâtiment du Québec : toutes ses 19 licences, en plus de quatre demandes de licences ainsi que celles des 22 compagnies rattachées sont suspendues ipso facto et de manière définitive. Sauf que le verdict aura des impacts sur plusieurs citoyens dans diverses municipalités puisque plein de chantiers doivent stopper.

Des centaines de sous-traitants qui ont eux-mêmes des milliers d’employés seront immédiatement touchés, sans parler des propriétaires de centaines de condos et des milliers de locataires.

En fait, Trigone gère actuellement une soixantaine de chantiers représentant approximativement une valeur de 4 milliards de dollars.

La décision secoue donc l’industrie de la construction et envoie un sérieux message aux entrepreneurs et à leurs associations patronales.

Trigone, au fond, n’est rien de plus qu’une marque de commerce wow; les contrats engageant les entrepreneurs avec les consommateurs se signent finalement avec des compagnies à numéro dont l’identité n’est révélée qu’à la signature des contrats et qui peuvent s’évanouir dans la nature aussitôt que la météo se fait trop chaude sur un chantier à la suite de doléances des clients.

« Finie la pirouette de repartir sous un autre nom d’entrepreneur, une pratique qui nuit aux 99 % autres contracteurs qui, eux, travaillent comme du monde, fort et honnêtement! », s’est exclamé Richard Darveau, président et chef de la direction de l’AQMAT.

Pratiques commerciales plus que douteuses

Parmi la dizaine de reproches récurrents envers Habitations Trigone, il ressort surtout ses rapports avec les consommateurs et la qualité des constructions à proprement parler. Plusieurs fausses déclarations également ont été prouvées.

Le site d’information juridique Soquij permet de constater qu’Habitations Trigone et ses dirigeants collectionnent les démêlées avec la justice. L’entreprise a d’ailleurs été déclarée coupable par la Cour à maintes reprises.

« J’ai défendu des gens qui avaient fait affaire avec cette entreprise », confiait un juriste à Viva Média. « C’est décevant de voir que des villes continuent de faire confiance à Habitations Trigone. Encore en 2020, la Ville de Saint-Lambert s’est tournée vers la Cour parce qu’un projet de l’entreprise comportait des dizaines d’infractions à la réglementation municipale et qu’il y avait un très grand nombre d’anomalies de construction. Pour le projet Viva-Cité à Longueuil, cela a été encore pire. Des travailleurs avaient l’ordre de fermer les murs alors que le toit n’était même pas sur la charpente. La laine isolante était complètement mouillée. Un travailleur qui est aujourd’hui retraité a confirmé à l’émission La facture avoir aspergé le gypse avec de l’eau de javel, car il commençait à y avoir de la moisissure. »

L’AQMAT a hâte d’entendre les réactions de Patrice St-Pierre, président des Habitations Trigone, qui a toujours affiché une fierté. Il faut dire que Trigone a déjà livré plus de 22 000 unités d’habitations au Québec, on ne peut renier un tel exploit.

Il a déjà dit dans les journaux ceci : « Compte tenu de l’importance de nos réalisations, lorsqu’il y a un litige, notre désir est de trouver des règlements équitables, justes et satisfaisants pour toutes et tous, en tout temps. La satisfaction de notre clientèle et du travail bien accompli sont au cœur de notre mission. »

L’entreprise compte sans doute demander un sursis pour l’application de la décision-choc.

Le point de vue de l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction a été publié récemment : « C’est frustrant pour les entrepreneurs de qualité d’être concurrencés par d’autres qui font la job à moitié et qui facturent deux fois moins cher », déplore Marc-André Harnois, directeur général de l’organisme.

Mme Harnois rappelait également que la Vérificatrice générale du Québec était consternée, dans son rapport du 31 mars 2020, que « la RBQ ignore l’identité des dirigeants d’au moins 2000 personnes morales sur un total de près de 12 000. Elle ne peut donc pas vérifier si ces personnes respectent les conditions d’obtention d’une licence liée à la probité et à la solvabilité ».

C’est grâce au journalisme d’enquête, en l’occurrence l’émission La Facture, que le comportement de Habitations Trigone a été mis au jour. Cliquez sur l’image pour voir l’une de ses émissions.

 

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