Une clôture vendue en quincaillerie doit pouvoir supporter nos hivers, tranche le tribunal

Voici une chronique de Gary Frost, directeur des services aux clientèles à l’Office de la protection du consommateur, d’abord parue dans le journal Le Droit. Elle est hautement instructive pour rappeler les responsabilités des quincailleries et des fabricants… et de l’importance de se défendre devant la Cour lorsqu’arrive un différend avec un client.

Bien que ce ne soit pas une perspective séduisante pour la plupart des consommateurs confrontés à un différend non résolu, les plus déterminés d’entre eux se tournent vers le tribunal des petites créances * afin qu’un juge tranche le litige qui les oppose à un commerçant.

Entre autres particularités de cette division de la Cour du Québec habilitée à entendre les causes de 15 000 $ et moins, on peut mentionner le fait que l’on ne peut y être représenté par un avocat et que, contrairement aux tribunaux supérieurs, il n’y a pas de processus d’appel si l’on est en désaccord avec la décision de la Cour.

Le succès de cette démarche repose donc sur une bonne préparation : un dossier bien documenté, un témoin, un expert, etc.

Jetons un regard sur un cas représentatif de situations courantes qui amènent des consommateurs à s’en remettre à ce tribunal.

9 000 $ pour une clôture

Accompagnée d’une voisine, une consommatrice se rend dans une succursale d’un quincailler membre d’une grande bannière bien connue afin de se procurer une clôture. Nous sommes en juin 2017.

Aux dires de la consommatrice, un représentant lui conseille alors une clôture faite en aluminium, pour la solidité et la qualité du matériel ainsi que sa durabilité en fonction du climat québécois. Le produit comporte par ailleurs une garantie (limitée) à vie offerte par le fabricant.

Entrepreneur indépendant

La consommatrice achète alors le produit proposé et comme la quincaillerie n’est pas en mesure d’offrir les services d’installation pour ce type de clôture, elle retient les services d’un entrepreneur indépendant.

Témoignant devant le tribunal, celui-ci affirme avoir procédé à l’installation de la clôture en suivant fidèlement les instructions du fabricant. Notamment, il a creusé des trous dans le sol et coulé du béton pour encastrer solidement les poteaux;

Panneaux de clôture arqués

Au terme de l’hiver 2018, le printemps révèle que des panneaux de clôture sont significativement arqués.

La consommatrice indique avoir parlé à un représentant du fabricant pour lui dénoncer la situation et s’enquérir de la marche à suivre pour l’application de la garantie.

C’est alors que celui-ci lui aurait mentionné que ce type de clôture n’était pas durable dans un contexte hivernal, ce qui expliquerait la courbure (!).

Demandant à être remboursée pour un produit défectueux à l’évidence, elle essuie le refus net du détaillant-quincailler ainsi que du fabricant, ce dernier se limitant, pour toute solution, à proposer de remplacer les panneaux de clôture défectueux avec le même produit, une solution que l’entrepreneur déconseille à la consommatrice.

Cette approche est selon lui inacceptable puisque d’une part, le problème serait susceptible de se reproduire l’année suivante et, d’autre part, la garantie du fabricant pourrait fort bien ne plus s’appliquer, car l’installation des nouveaux panneaux ne serait pas conforme aux recommandations du fabricant.

La consommatrice refuse donc cette solution un peu surprenante et se tourne vers la Cour où elle réclame le remboursement d’une somme de 9000 $ soit 5 217,90 $ pour le remboursement de la clôture, et 3 782,10 $ pour les frais de réfection.

Absents à l’audience

La Cour se penche donc sur le litige en sous-pesant les seuls témoignages et documents présentés par la consommatrice puisque ni le détaillant-quincailler visé par la requête ni le fabricant ne se sont présentés au Tribunal.

La décision, favorable à la consommatrice, est notamment fondée sur les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) qui traitent des garanties légales.

En vertu de la LPC, un bien doit en effet pouvoir servir à l’usage auquel il est destiné et, en outre, avoir une durabilité raisonnable. Visiblement, cette clôture a failli au regard de ces deux exigences.

Pour ces motifs, se disant satisfaite des preuves présentées devant elle, la Cour donne entièrement raison à la consommatrice et ordonne donc que celle-ci soit pleinement remboursée.

Vérification faite cependant, la même clôture est toujours offerte en vente chez ce même quincailler de grande bannière…

 

(*) Appellation juste : Cour du Québec, Division des petites créances

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