Quincailliers: l’heure est enfin venue d’être dédommagés par Visa et MasterCard

En attendant que le gouvernement du Canada respecte sa promesse faite à l’élection d’octobre 2021 à l’effet de plafonner les frais de traitement des paiements par carte de crédit imposés aux marchands, ceux-ci peuvent jouir de deux bonnes nouvelles survenant après une entente à l’amiable hors cour survenue avec les géants Visa et MasterCard.

D’une part, tout commerce qui a accepté des cartes de crédit Visa ou MasterCard comme mode de paiement depuis le 23 mars 2001 est admissible à une portion du règlement de 131 millions de dollars. Le dédommagement variera de 30 $ à 250 $ par année, selon que le chiffre d’affaires annuel du commerce est de plus ou moins 5 millions $ par année. Puisqu’on parle de vingt ans, le chèque versé avant la fin de l’année courante solidairement par les deux multinationales sera minimalement de 600 $ et maximalement de 5 000 $. Les réclamations sont acceptées jusqu’au 30 septembre 2022. Les détails sont expliqués plus loin.

D’autre part, les commerçants pourront facturer des frais supplémentaires dès octobre 2022. En effet, sous réserve que le gouvernement du Québec donne son accord, ce qui semble une formalité, un quincaillier aura le droit d’exiger des frais supplémentaires au consommateur qui veut payer par crédit. Il pourra même présenter une tarification détaillée selon le type de carte, étant entendu que certaines cartes dites Platine ou VIP coûtent plus cher en frais d’interchanges au marchand.

Tout comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), la direction de l’AQMAT estime que ce règlement est un pas vers plus de transparence et plus d’équité pour les marchands qui acceptent les cartes de crédit, un mode de paiement qui a le vent dans les voiles avec le e-commerce, d’autant que l’argent comptant a perdu en popularité en raison de la crainte sanitaire.

Rappelons que les émetteurs de cartes de crédit facturent aux commerçants ce que l’on appelle des taux d’interchange, une commission prélevée sur chaque vente et versée aux sociétés de cartes de crédit, aux processeurs de paiement et aux banques. Ces frais peuvent aller d’environ 1 % du montant d’achat pour les cartes de base à près de 4 % pour les cartes offrant des récompenses telles que des remises en argent ou des points de fidélité.

L’AQMAT a déjà pris le temps de démonter le stratagème appliqué au Canada par le duopole: plus une carte à points rapporte à son détenteur en termes de cadeaux, de bonis de voyage et autres privilèges, plus MasterCard et Visa chargent cher au marchand qui se trouve donc à financer 100 % du marketing des émetteurs de cartes de crédit. « En définitive, rappelle Richard Darveau, président de l’AQMAT, c’est donc les commerçants qui paient pour les voyages gratuits que leur offrent officiellement Visa et MasterCard ».

« Plus il y a d’avantages sur une carte, plus il est coûteux pour un commerçant de l’accepter, a expliqué Corinne Pohlmann, vice-présidente principale des affaires nationales à la FCEI qui ajoute: « Je ne pense pas que les consommateurs comprennent à quel point cela peut coûter cher à un commerçant. »

Est-ce que plusieurs quincailleries oseront demander des frais pour les cartes de crédit présentées par leurs clients? « Ça reste à voir », rétorque M. Darveau, mais il promet de faire campagne auprès des membres pour que ceux-ci éduquent leurs clients et profitent de cette option pour améliorer leur marge de bénéfice.

Pour sa part, la FCEI est d’avis que peu de commerçants devraient ajouter des surtaxes pour accepter les cartes de crédit. Mme Pohlmann estime que le fait de donner aux entreprises la possibilité de récupérer ces frais les aidera à repousser les futures hausses de frais.

Une bataille gagnée, mais la guerre doit continuer

Entre-temps, le sujet du plafond des frais imposés aux marchands par le duopole ne semble pas à l’agenda du cabinet Trudeau. Le monde des affaires doit trouver des moyens de se faire entendre sur cette question. « N’oublions pas que le règlement éponge une partie des surcharges dans le passé, mais n’amende en rien le présent et le futur. Nos membres continuent de devoir assumer plus de coûts de traitement par cartes de crédit que n’importe où sur la planète », martèle le président de l’AQMAT.

La direction de l’AQMAT étudie l’opportunité d’aller quand même de l’avant avec son propre recours, tel que souhaité par les congressistes réunis au Manoir Richelieu en octobre 2021. « Sans rien révéler sur notre stratégie, je peux vous dire que notre projet de recours collectif s’appuie sur des points de droit, notamment sur le Code civil, qui sont distincts de ceux qui ont été présentés pour l’action réglée hors cour dont il est question aujourd’hui. Ce faisant, nous allons considérer toutes nos options. Et si notre avocat-conseil croit qu’on peut gagner une deuxième cause, on n’hésitera pas à prendre les moyens pour défendre les intérêts de nos membres.»

Vers la fin de la carte de crédit ?

Les paiements sans contact via le cellulaire mobile pourraient se populariser au point de faire mourir la carte de crédit en plastique rangée dans son portefeuille. Les technologies de reconnaissance faciale existent et semblent franchir une nouvelle frontière d’acceptabilité sociale. Ainsi donc, munis d’une caméra connectée à tablette numérique, les marchands pourraient en venir à confirmer l’identité de l’acheteur et porter la note à son compte de crédit.

La question qui tue alors: Visa et MasterCard auront-ils encore la latitude politique pour imposer des frais de traitement de même ampleur qu’actuellement pour couvrir leurs nouvelles dépenses technologiques?

À suivre…

DÉMARCHE POUR PRÉSENTER UNE RÉCLAMATION

Date limite pour soumettre une réclamation: 30 septembre 2022

Critères d’admissibilité:
– Avoir exploité un commerce au Canada à tout moment entre le 23 mars 2001 et le 2 septembre 2021
– Avoir accepté les cartes de crédit Visa ou MasterCard comme mode de paiement pour des produits ou des services
– Avoir payé des frais d’interchange et autres frais

Comment faire une réclamation:
Depuis le 30 mai 2022, soumettre une réclamation sur le site Web des Recours collectifs portant sur des cartes de crédit. Fournir:
– Nom et coordonnées du commerce et du demandeur
– Taille du commerce
– Déclaration selon laquelle des paiements par carte de crédit ont été acceptés à un moment ou un autre depuis le 23 mars 2001

À quoi s’attendre ?

Si la demande est acceptée, le marchand recevra un dédommagement par dépôt direct ou par chèque avant la fin de l’année 2022.

Si la requête est refusée, il n’y a pas de processus d’appel, mais l’AQMAT apprécierait recevoir une copie de cette décision à information@aqmat.org.

Chiffres-clés de l’entente de dédommagement

Chiffre d’affaires annuelDédommagement annuelPériode maximale couverteRemboursement maximal total
Moins de 5M$30 $20 ans600 $
Plus de 5M$250 $20 ans5 000 $

On doit aussi veiller au grain pour que le règlement ne soit pas utilisé par les sociétés de cartes de crédit comme camouflage politique dans leur bataille pour résister à l’imposition d’un plafond systémique de leurs frais de carte de crédit. En effet, depuis le gouvernement Harper, avec qui Visa et MasterCard s’étaient entendues sur un code volontaire, les gouvernements libéraux qui se sont succédé n’ont pas réellement changé la donne.

2 comments on “Quincailliers: l’heure est enfin venue d’être dédommagés par Visa et MasterCard

  1. benoit coderre on

    Dans le formulaire de recours collectifs il demande une preuve entre le 23 mars 2001 et le 2 septembre 2011 pour les commerces moyens
    Dans votre article les dates sont le 23 mars 2001 et le 2 septembre 2021 pour etre éligible
    pouvez vous nous éclairer sur cette question

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    • Isabelle Champagne on

      Monsieur Coderre, merci de nous avoir communiqué cette contradiction. La FCEI a été contacté afin de connaitre où est l’erreur. Nous communiquerons avec vous pour vous en informer.

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